La relève du Ball-Trap, Ep.3 : Mickaël SALINAS
Mickaël SALINAS est un jeune tireur de 31 ans qui vit à Cazedarnes, une petite commune de l’Hérault, dans les vignobles de Saint-Chinian, non loin de Béziers. Champion de France scratch 2021 de tir au Compak Sporting, il s’est confié sur ses passions.
Frank TISON : À quel âge avez-vous commencé à tirer et pour quelle raison ?
Mickaël SALINAS : J’ai commencé à tirer au Ball-Trap du village à l’âge de 14 ans. À l’époque, mon père chassait beaucoup et se rendait régulièrement au club de Creissan (34) où nous vivions.
Il m’emmenait avec lui à la chasse et ensemble, nous tirions chaque samedi soir à la fosse universelle une série de 25 plateaux, c’était un pur plaisir, une communion entre un père et son fils ! Ce tir de loisir nous plaisait beaucoup. Par la suite, j’ai participé à des « ballots de paille » dans les campagnes, ainsi qu’à des petits concours de club sur 25 plateaux. J’entends bien, moi aussi, transmettre ces passions à mes enfants.
FT : Quel est votre métier ?
MS : Je suis étancheur de toits. Cela consiste à rendre parfaitement étanche les terrasses et les toits plats des bâtiments.
FT : Chassez-vous, et si oui quelles chasses ont vos préférences ?
MS : Oui j’aime beaucoup ; c’est d’ailleurs la pratique de la chasse qui m’a amené au Ball-Trap. J’apprécie particulièrement les migrateurs comme la grive, la bécasse, la palombe etc. J’aime tellement le petit gibier que j’ai sept chiens pour le chasser.
J’ai une chasse privée, mais je me déplace également beaucoup sur différentes associations de chasse communales dont j’ai la carte d’adhérent. Certaines communes sont plus ou moins accessibles aux non-résidents, mais dans l’ensemble nous sommes assez bien lotis. Je chasse également le sanglier en battue à la carabine.
FT : Combien de cartouches tirez-vous par an ?
MS : Avant, je ne tirais que 5 à 7000 cartouches, mais l’an passé je suis monté à 10.000 cartouches pour tenter d’accéder au haut niveau, et mettre toutes les chances de mon côté. À raison de 0,50 € la cartouche, c’est un budget annuel important. La société MARY ARM m’a offert une dotation au championnat de France, mais le prix des cartouches a beaucoup augmenté et ce sport devient un luxe. J’ai également un petit contrat avec la société LAPORTE qui fournit des plateaux d’argile à mon club, et ce dernier ne me les fait pas payer. C’est une chance.
FT : Avez-vous pratiqué le tir au Skeet ?
MS : Le Skeet officiel, non rarement, car il n’y a plus qu’un Skeet officiel dans mon club de Poussan (34). En revanche, nous avons pas mal de Skeet décalés qui me permettent de m’entraîner sur des pull et mark très rapides.
FT : Quels matériels utilisez-vous ?
MS : Je tire au Compak Sporting des cartouches MARY ARM Cyrano Bior de 28 g en plombs n°8,5. J’utilise un fusil BROWNING B725 avec des canons de 81 cm chokés 3/10 et 4/10. Cela me convient parfaitement pour des tirs jusqu’à 35 m.
FT : Avez-vous un tireur comme modèle ?
MS : Non, pas spécialement. Il y a beaucoup d’excellents tireurs, mais je n’ai pas vraiment d’exemple à suivre. Je pars du principe que nous sommes tous différents, et c’est à chacun de prouver qu’il est meilleur que l’autre.
FT : Vous utilisez l’avance maintenue de Christophe AUVRET ou le swing traversé de George DIGWEED ?
MS : Cela dépend des plateaux. J’utilise souvent l’avance maintenue sur les plateaux lents. Sur les rapides, j’utilise les deux techniques en fonction de leur trajectoire.
FT : Bande haute ou rase ?
MS : Bande rase. Avant, avec mon MIROKU, j’avais un peu de bande, mais cela me demandait plus de corrections. Il fallait que je fasse attention sur toutes les trajectoires de type arrondi, je devais viser plus en-dessous. C’était compliqué. J’ai constaté que j’ai rapidement progressé, lorsque j’ai décidé de tirer ras de bande, bien à plat sur ma crosse.
FT : Et vos premières compétitions officielles ?
MS : J’avais 21 ans, c’était au championnat de ligue de Languedoc-Roussillon de tir à la Fosse Universelle. J’ai eu la chance de me retrouver en barrage pour le titre au scratch avec un score de 94/100. Quelques 110 tireurs y participaient. J’étais un nouveau concurrent que personne ne connaissait. Je n’ai jamais voulu lâcher le morceau, et j’ai remporté le barrage avec un 24/25 devant quatre autres compétiteurs chevronnés. C’est un excellent souvenir sportif.
FT : Pourquoi être passé de la Fosse au Parcours et au Compak Sporting ?
MS : C’est le président de la ligue qui, au vu de mes résultats à la Fosse universelle, m’a proposé de tenter ma chance aux championnats de ligue de Compak Sporting et de Parcours de Chasse. Je ne connaissais pas ces disciplines, et ce fut une révélation. Par la suite, j’ai abandonné la Fosse Universelle pour me consacrer en 2010 et 2011 à ces deux disciplines qui se rapprochaient davantage du tir de chasse que j’apprécie.
FT : Quel fût votre premier championnat de France ?
MS : C’est en 2015 que je me suis mis à participer, par plaisir, au championnat de France de Parcours de Chasse qui se déroulait non loin de chez moi, sur le stand de Nîmes. J’étais peu entraîné, mais j’ai terminé la compétition avec le score de 174/200 et le classement de 137ème au Scratch sur plus de 500 participants. J’ai pensé que cela valait la peine de m’y intéresser davantage, pour tenter une éventuelle performance pour les années suivantes.
FT : Préférez-vous le Compak Sporting ou le Parcours de Chasse ?
MS : J’apprécie les deux disciplines. Le Parcours est plus difficile techniquement, mais on a quelques droits à l’erreur. Au contraire, le Compak est très exigeant mentalement, car on n’a pas le droit de manquer sous peine de chuter dans les classements. Je me sens plus à l’aise avec ce dernier qui me rappelle un peu la FU (Fosse Universelle) ; je réussis à mieux me concentrer durant 20 minutes alors qu’au Parcours, il faut sans cesse se concentrer 3 minutes sur chacun des nombreux postes.
Cette concentration me fait parfois défaut sur un poste, c’est ainsi que je fais des erreurs au Parcours de Chasse. Le tir est également souvent plus difficile, éloigné avec parfois des plateaux à plus de 60 m. À cette distance, il y a une part de réussite aléatoire. Le plateau peut passer dans un trou de la gerbe, alors que la correction est bonne. Au Compak, ce problème n’existe pas car c’est un tir qui se rapproche de la chasse. On tire entre 10 et 35 m. À la chasse, j’évite de lever le fusil à grande distance car je ne veux pas blesser. Si je vois une palombe à 60 m, je vais certainement la toucher mais elle ne va pas tomber, alors je m’abstiens. De plus, lorsque je chasse la grive à la passée, j’épaule pratiquement mon fusil en attendant son passage, tout comme on le fait au Compak. Au contraire, au Parcours de Chasse, il faut avoir la crosse vraiment basse. Finalement, je préfère le Compak, mais j’avoue que ce sont deux belles disciplines qui se complètent.
FT : Quels ont été vos premiers résultats au Compak Sporting ?
MS : Ma première participation au championnat de France de Compak fut en 2016 sur le joli stand de Poussan, dans l’Hérault. J’y ai réalisé le score de 180/200 et obtenu une médaille d’argent en seconde série. J’étais content de ce bon résultat. En 2017, j’ai tiré plus régulièrement et je me suis retrouvé en 1ère série. J’ai participé au championnat de France de Compak Sporting au club du Chêne rond en Sologne. J’ai fini avec le score de 188/200 et j’ai perdu en barrage pour la médaille de bronze face à un concurrent plus fort que moi. Au scratch, j’ai fini 18ème ; je trouvais que c’était de bon augure pour une deuxième participation.
FT : En 2018, vos résultats étaient déjà prometteurs.
MS : Oui, en 2018 mes entraînements ont fini par payer et j’ai senti que je progressais. C’était un grand « bond en avant ». À l’issue des deux sélections nationales, j’ai intégré le Club France de Parcours de Chasse qui permet de former les équipes de France. Dans mon élan, j’ai remporté le championnat du Languedoc-Roussillon de Parcours de Chasse au scratch avec 98/100. Je me suis également rendu au championnat de France de Compak qui se déroulait à Sore dans Les Landes. Avec 195/200, j’ai obtenu une maîtrise de tir FFBT et j’ai barré pour la seconde place. J’ai perdu en manquant les trois derniers plateaux et un score de 22/25. J’avoue avoir eu du mal à surmonter la pression du barrage. Quel dommage.
FT : En revanche, votre saison 2019 fut moyenne.
MS : Tout à fait, en 2019, j’ai fait une saison en dent de scie. J’eu du mal à retrouver mon niveau de 2018. Mes médailles et scores de 2018 m’ont comme mis des bâtons dans les roues, et je n’avais pas confiance en moi. Je pouvais gagner comme perdre, ce n’était pas terrible tout ça.
FT : Qui vous a aidé à surmonter cette période ?
MS : Ma saison 2019 commençait également mal, à l’image de celle de 2018. Du coup, je me suis rapproché d’Alain GENDREAU, le conseiller technique des fusils PERAZZI. C’est un immense champion et un grand sportif qui a pratiqué le tir et le vélo à haut niveau. Je le rencontrais régulièrement sur les pas de tir et l’appréciais. Comme lui aussi pouvait avoir des bas lors de certains concours, nous avons longuement discuté. Humblement, je confie qu’il a réussi à me redonner confiance. Il a beaucoup de talent et aurait pu être entraineur national à FFBT ! Par la suite, j’ai enchaîné des très bons scores avec des 95, 96, et 98/100 ; j’ai retrouvé confiance en moi et mon coup de fusil. J’ai fini par remporter le championnat de France 2021 de Compak Sporting au Scratch à Sore dans les Landes avec le score de 193/200 ; c’était une consécration et l’aboutissement de longs efforts.
FT : Champion de France scratch 2021 ! Pouvez-vous encore progresser ?
MS : C’est toujours difficile, mais j’aime rêver. Dans ma région, tout le monde disait que c’était impossible de remporter le championnat de France au scratch. Eh bien non, j’ai réussi à le faire ! En fleuretant à plusieurs reprises avec des scores de plus en plus hauts, on rêve tous de perfection. Il faut passer des paliers un à un, ne pas trop se poser de questions, et uniquement les bonnes !
FT : Quels sont vos objectifs pour la saison sportive 2023 ?
MS : Je vais me consacrer au Compak Sporting et mettre de côté le Parcours de chasse. J’aimerais devenir membre titulaire de l’Équipe de France et gagner une nouvelle maîtrise de tir. Je n’y arriverais peut-être pas, mais au moins j’aurais eu le mérite d’essayer. Je vais tenter ma chance, mais à ce jeu, tout le monde sait que la défaillance est très rapide, et le succès n’est pas toujours au rendez-vous.
Source photos : Mickaël SALINAS