George DIGWEED, son métier : tirer et gagner !

George DIGWEED, son métier : tirer et gagner !

Le tireur britannique George DIGWEED domine le tir de chasse mondial depuis une trentaine d’années. Nous avons rencontré ce roi du tir les 9 et 10 avril derniers, lors de la 7ème édition de l’Euro Shooting Cash organisé par un autre champion, Charles BARDOU, au Sologne Shooting Club. Il a répondu à nos questions à la fin de la première journée de compétition.

George DIGWEED est un phénomène qui fascine les tireurs et les chasseurs. Non seulement c’est un extraordinaire tireur à la chasse, mais c’est aussi un des rares sportifs de haut niveau devenu professionnel du tir de chasse. Son métier se résume à voyager dans le monde pour participer aux principales manifestations et tenter de les gagner. Depuis les années 1990, il a acquis un incroyable palmarès international, dans différentes disciplines du tir aux armes sportives de chasse.

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George DIGWEED est un infatigable destructeur de corbeaux et pigeons ramiers.

Il est également très connu sur la toile pour les conseils techniques qu’il prodigue aux chasseurs anglais. Il explique ses techniques de chasse et de tir pour réguler les corvidés et les pigeons ramiers sur YouTube. On y découvre sa dextérité pour négocier des tirs difficiles, à des distances souvent époustouflantes.

Si nous devions comparer George DIGWEED à un joueur de tennis, nous pourrions sans hésiter le comparer à Roger FEDERER. On ne compte plus les titres et records mondiaux qu’il a pu obtenir, tant ils sont nombreux. Que ce soit en Skeet, Trap, Double-Trap, English Sporting ou Fitasc Sporting (Parcours de Chasse), cet homme est un ogre du tir, un gagnant avide de perfection et de performances. Il veut faire toujours mieux ! Ceux qui le connaissent savent qu’il possède une détermination féroce et des qualités de concentration exceptionnelles. Mais au-delà, c’est un homme charmant, drôle, fidèle en amitié, et toujours prêt à encourager, écouter, et aider les autres. Et derrière chaque grand homme, il y a une femme, et il serait inconcevable de ne pas évoquer son épouse Kate, son premier soutien, qui l’accompagne pour chacune de ses compétitions depuis plusieurs décennies.

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Vainqueur du Grand-Prix FITASC d’Afrique du Sud à Cape Town en 2019, évènement dont il revenait quand nous l’avons interrogé.

LE ROI DU TIR A ACCEPTÉ DE RÉPONDRE À NOS QUESTIONS

AIR & NATURE : George DIGWEED, à quel âge avez-vous commencé à tirer ?

George DIGWEED : Cela ne date pas d’hier. Je viens d’avoir 58 ans et j’ai commencé à chasser à 9 ans. C’est très jeune, mais à l’époque cela se faisait. Je me souviens que mon père et mon grand-père m’ont obligé à chasser la première année avec un fusil vide, sans cartouche… pour m’initier à la prudence ! Ce fut douloureux, mais j’étais très fier de les suivre, et ils avaient raison d’agir ainsi. Mon grand-père George Hickman m’a très vite initié à la chasse aux pigeons, que nous tirions par centaines, afin d’éviter que les récoltes des fermiers ne soient dévastées. Ce n’est qu’à 12 ans que j’ai tiré mes premiers plateaux d’argile. Je suis avant tout un homme de la campagne, un chasseur, venu par la suite au tir aux pigeons d’argiles.

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C’est dans le Kent, au sud de l’Angleterre, que George DIGWEED a été initié à la chasse par son grand-père.

A&N : On dit que votre premier métier était boucher, est-ce vrai ?

GD : C’est exact, depuis plusieurs générations, nous possédions les boucheries HICKMAN. J’y ai travaillé dans les années 1980, mais j’ai arrêté au décès de mon père en 1993. J’ai alors choisi de devenir tireur professionnel, et depuis cette époque, j’en vis. J’ai eu de la chance de pouvoir vivre de ma passion, avec de très nombreux voyages dans le monde.

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George DIGWEED, âgé de 17 ans, employé de la boucherie familiale HICKMAN.

A&N : On dit également que vous tirez énormément…

GD : Non c’est faux, c’est une idée reçue. Depuis plusieurs années, je ne tire que 6000 cartouches par an, mais attention, toujours en compétition. Je ne m’entraîne presque jamais. Plus jeune, je tirais environ 10.000 cartouches. Ainsi, Charles BARDOU en tire un peu plus de 12.000. Cela paraît beaucoup pour les chasseurs, mais c’est peu par rapport aux champions des disciplines olympiques, comme le Trap (Fosse) ou le Skeet. Il faut savoir que les médaillés olympiques des derniers Jeux de Tokyo tirent entre 40.000 et 100.000 cartouches par an. C’est énorme ! Votre champion français Éric DELAUNAY brûle chaque année 50.000 cartouches, mais certains en tirent 100.000, comme le koweïtien médaillé de bronze Abdullah AL-RASHIDI.

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Le français Éric DELAUNAY tire 50.000 cartouches par an au skeet olympique ! George DIGWEED n’en tire que 6000.

A&N : Comment vous entraînez-vous en Angleterre ?

GD : Dans ma région, il y a beaucoup de compétitions de Parcours de Chasse qui se tirent en 100 plateaux. À une époque, il m’arrivait de participer à trois ou quatre compétitions le même week-end. Chacune de mes cartouches tirées l’est en compétition. En fait, la compétition est devenue mon entraînement ; en revanche je me donne des objectifs que je dois atteindre dans l’année, souvent des événements internationaux. Je m’y prépare plusieurs mois à l’avance.

A&N : Vous aviez commencé par le Skeet et le Trap. Est-ce une bonne école ?

GD : J’ai surtout commencé par la chasse aux pigeons ramiers. Mais au tir au plateau, oui effectivement, j’ai débuté par l’English Skeet, puis par le Trap ce que vous appelez le tir à la fosse en France. Mon premier concours de Skeet fut une catastrophe avec un triste 69/100. J’ai été piqué au vif. Comme je suis perfectionniste, j’ai décidé de maîtriser la discipline, tir après tir. Très rapidement, j’ai travaillé les angles, les vitesses ; la technique n’est pas très difficile, car rien ne varie jamais. La vraie variable, c’est le tireur, sa gestuelle et son mental. Il est bon ou mauvais, sans alternative possible. Au Skeet, tout est question de maîtrise de soi et de concentration. Mon premier 100/100 à l’entraînement fut un grand bonheur, mais en compétition ce fut un bonheur absolu, car réussir le « jour-J » quatre 25/25 d’affilée est toujours un vrai challenge. Je pense que c’est ce travail sur moi-même qui a contribué à forger mon caractère, et mes succès futurs.

A&N : Et pourquoi avoir choisi le Parcours de Chasse ?

GD : J’ai gagné le British Open de Skeet en 1991 à Kingsferry, l’équivalent de votre championnat de France, et j’ai obtenu le record du monde de Double-Trap en 1993 à Fangano, en Italie. Mais, la répétition a fini par me lasser. La technique difficile de l’English Sporting, ou du FITASC Sporting (Parcours de Chasse), ses angles et vitesses variables à l’infini m’ont offert un nouveau challenge. De plus dans ma région (le Kent), et en Grande-Bretagne en général, tout le monde pratique cette discipline.

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Au Parcours de Chasse, les trajectoires changent en permanence.

A&N : Parlons technique, avec quel fusil tirez-vous au Parcours de Chasse, et avec quelle longueur de canon ?

CA : J’utilise un fusil PERAZZI High Tech standard avec des canons de 81 cm. J’ai essayé un peu toutes les longueurs ; j’ai même gagné trois championnat du monde FITASC avec un BERETTA 682 et des canons de 76 cm. Aujourd’hui, je suis formel, les canons « courts » de 76 cm ont tendance à arrêter trop facilement le « follow through » (swing) ; avec des 86 cm, c’est l’inverse, on ne peut plus les arrêter. Le bon équilibre est indéniablement le 81. Parfois, il est nécessaire de changer de fusil. On se retrouve dans une période de transition, et on perd un peu ses repères. C’est toujours difficile de changer lorsque l’on veut se maintenir au top niveau ; mais je casse mes habitudes pour tenter de passer un palier supérieur. Ces derniers temps, j’ai alourdi un peu mes canons, et j’ai choisi une détente plus large afin de mieux maitriser mes départs et mes swings. Les remises en questions perpétuelles sont nécessaires pour gagner, même si c’est parfois difficile.

A&N : Quels sont vos chokes ?

CA : Les deux canons sont en 10/10, donc full et full, en haut comme en bas. Mes tirs sont pleine gerbe ou manqué ! Il y a quelques années, j’utilisais deux fusils identiques, avec deux paires de canons de 81 cm, l’un en full-full, l’autre en demi-demi. Pour certains oiseaux rapprochés, je prenais le fusil le plus ouvert. Mais cela finissait par perturber ma concentration. J’ai abandonné, d’autant que les parcours sont toujours plus dégagés et les tirs plus éloignés. Finalement, le full me permet de mieux situer la précision de ma gerbe sur l’objectif. Je vois si je casse le plateau par dessus, dessous, devant ou derrière. Avec un demi-choke, on « arrose » beaucoup plus, et on ne sait jamais vraiment ou l’on tire.

A&N : Quelles cartouches ? Quels plombs utilisez-vous ?

CA : Mon grand-père était un ami d’Arthur PHILIPS, le créateur de la KENT CARTRIDGE COMPANY. Depuis 1984, je tire avec des cartouches KENT. Les cartouches KENT (du nom de ma région) ont changé de nom ; elles s’appellent désormais GAMEBORE, car la société a été rachetée. Fidèle, je continue de tirer et de développer la marque, et je suis certain qu’elle a contribué à mon succès. Aujourd’hui, je tire la White Gold 28 g en plombs de n°7,5 et quelques Black Gold pour certains plateaux plus difficiles à briser, car très éloignés ou sur la tranche.

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George DIGWEED en mai 2019, toujours souriant et avenant, lors d’une séance de dédicaces dans le magasin TERRES & EAUX d’Orléans, qui distribue sa marque de cartouche GAMEBORE.

A&N : Quel type de chasse pratiquez-vous ?

GD : J’adore la chasse en général et j’aimerais toutes les pratiquer. En Angleterre, je chasse le pigeon, le faisan, la perdrix et les corvidés. J’organise personnellement quelques chasses commerciales de faisans de haut vol dans le Kent. J’y reçois régulièrement des Français car le domaine n’est qu’à 40 minutes du « Channel ».

A&N : Y autorisez-vous le tir des faisans au calibre 28 ?

GD : Non, car les faisans sont des oiseaux résistants, et ils volent vraiment très haut. En petit calibre, seul le 20 est autorisé, avec au minimum le tir du plomb n°7.

A&N : Quel type de grenaille choisissez-vous pour la chasse ?

GD : Je tire toute l’année avec du plomb n°5 anglais, ce qui correspond au n°6 français, que ce soit pour les faisans, perdrix, pigeons ou canards. Comme je vous le disais, j’ai toujours beaucoup chassé les pigeons et corvidés, car chez nous ce sont des nuisibles que nous devons détruire. Je n’aime pas tirer du trop gros plomb, car il y a des trous dans la gerbe, et le gibier passe au travers ou est blessé. Exceptionnellement, je tire des faisans de très haut vol avec du plomb n°3 (n°4 français).

A&N : En quelques mots, quelle est votre technique de tir ?

GD : Il y a actuellement trois grandes techniques de tir de chasse :

  • Le « FOLLOW THROUGH » : le tireur pointe le canon en arrière de la cible, la rattrape et tire.
  • Le « PULL AWAY » : le tireur pointe sur la cible et accélère le canon en avant de la cible.
  • Le « MAINTAINED LED » : le tireur pointe en avant de la cible et maintient une avance permanente avant de tirer.

La mode actuelle est le « pull away » qui vient des USA. Nombreux sont les jeunes Anglais qui l’utilisent avec brio. Il y a eu également quelques grands noms qui ont pratiqué le « maintained lead », mais pour moi, je préfère le « follow through ». Le « pull away » c’est un peu la facilité, c’est très efficace mais sitôt que le vent se lève, alors… c’est la panique ! Si la cible change soudainement de trajectoire, seul le « follow through » permet de résoudre l’équation et rester en ligne. C’est un peu comme un missile qui poursuit sa cible même si elle change de trajectoire. Où que l’on soit dans le monde, le vent à toujours une grande incidence dans le tir de chasse.

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Le pull away est la technique utilisée au Skeet.

A&N : L’école anglaise possède une grande tradition du tir de chasse et à produit de grands champions. De qui êtes-vous l’héritier ?

GD : À mes débuts au tir, j’ai beaucoup appris en observant pendant des années les grands fusils britanniques, comme Barry SIMPSON, Stuart CLARK, Duncan LAWTON, Mickey ROUSE et évidemment le remarquable Anthony-John SMITH, considéré à l’époque comme le tireur le plus doué au monde. Bien que ce dernier soit gaucher, on dit que mon tir se rapproche de sa fluidité naturelle, et j’en suis très fier. On dit aussi qu’il m’a passé le relais lors d’un barrage d’anthologie qui a eu lieu en mai 1990 ; ce fut un show télévisé, un évènement très médiatisé par les télévisions anglo-saxonnes entre « le roi et son prétendant ». J’ai eu le plaisir de gagner « le sceptre » mais d’un tout petit point !

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Le roi Anthony-John SMITH a transmis son sceptre à George DIGWEED en mai 1990. Qui lui succèdera ?

A&N : Quels sont vos cinq plus dangereux concurrents aujourd’hui ?

GD : Je citerai les français Charles BARDOU (Sologne Shooting Club) et Christophe AUVRET (Stand de Gisors, la Rapée), l’italien Michael SPADA, l’américain Derrick MEIN et mon compatriote et ami Richard FAULDS.

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Charles BARDOU en action. Il est considéré par George DIGWEED comme un de ses concurrents les plus dangereux, tout comme Christophe AUVRET, le brillant vainqueur de l’Euro Shooting Cash 2022 en Sologne.

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