Blaireau susceptible

Blaireau susceptible

Non, ce n’est pas le totem d’un scout à fleur de peau, mais la réflexion que nous suscite l’actualité des dernières semaines et l’ouverture imminente de la possible période de chasse complémentaire du blaireau (à partir du 15 mai). En effet, fin mars, dans une relative discrétion, le Sénat a rendu un rapport pour donner suite au dépôt d’une pétition demandant l’interdiction de la chasse du robuste mustélidé, autrement dit sa vénerie sous terre. Le chasser autrement étant illusoire, vu que la bestiole gite dans un terrier, et que son comportement est quasi exclusivement nocturne. Interdire la vénerie reviendrait à le protéger, car il ne fait pas partie des espèces dites ESOD, que l’on peut piéger. ESOD, ça veut dire espèce susceptible d’occasionner des dégâts.

Avant, on parlait de nuisibles, mais les amis des animaux jugeaient que c’était stigmatisant. Pour leur faire plaisir, car ce sont des gens vraiment susceptibles, nos élus ont décidé de bannir le terme nuisible et d’inventer ce barbarisme dont nos responsables politiques ont le secret. Ne dites donc plus qu’un renard qui a bouloté vos poules et collé l’échinococcose à votre grand-oncle est nuisible, pas plus que le corbeau qui a ruiné le semis de maïs de votre cousin agriculteur. Non, ils sont seulement susceptibles d’occasionner des dégâts. Soit, mais supprimer un mot de notre vocabulaire ne fera pas disparaître les réalités qu’il désignait.

Heureusement, dans leur grande sagesse, les sénateurs ont décrété que « la chasse est une activité légitime vis-à-vis des animaux sauvages », que celle du blaireau devait donc être maintenue, notamment « en raison des importants dégâts qu’il cause aux infrastructures et des risques de développement de la tuberculose bovine ». Mais, ne serait-ce pas la définition d’un animal susceptible, ça ? Il y a vraiment de quoi s’y perdre. Ainsi, une espèce dont les déprédations sont plus qu’avérées et conséquentes n’est même pas classée ESOD, et n’est donc pas piégeable ! L’administration française préfère donc préserver la susceptibilité des animalistes que les biens et la santé de leurs concitoyens. On ne compte pourtant plus les essieux de tracteurs cassés dans un trou de blaireaux, les cocottes décimés par les renards, les monuments dégradés par les choucas, le bétail croqué par des loups, etc. On découvre même, à la suite de la mort d’un malheureux joggeur italien, que Nounours brun peut être dangereux.

Évidemment, nous ne demandons pas l’éradication de ces espèces, mais simplement de pouvoir intervenir en cas de problème. L’usine à gaz de la régulation est telle que les bonnes volontés en sont découragées. Il y a quelques années la Fédération Nationale des Chasseurs avait porté le projet ambitieux d’une gestion adaptative, qui impliquait de sortir du statut figé des espèces. En clair, plus d’espèces nuisibles, chassables, ou strictement protégées, mais une adaptation aux réalités du terrain. Transformé en cheval de Troie anti-chasse par nos ersatz d’écologistes politiques, le projet a coulé avant sa mise à l’eau. Mais, une bonne idée un jour est susceptible de l’être toujours. En attendant ces jours meilleurs, le joli mois de mai est idéal pour sortir les cages et autres pièges pour réguler intelligemment, tant que nous le pouvons.