Le blaireau, des dégâts et des débats

Le blaireau, des dégâts et des débats

Le 15 mai prochain, à l’initiative de l’Association pour la Protection des Animaux Sauvages (ASPAS), se tiendra la première édition de la « journée Mondiale des blaireaux ». L’occasion pour AIR & NATURE de revenir sur le statut de cet animal désormais au centre de polémiques décisives et… dont on parle beaucoup trop peu.

UNE VOLONTÉ D’INTERDIRE LA CHASSE DU BLAIREAU

Cette date n’est pas choisie par hasard, la période complémentaire de la vénerie sous terre, lorsqu’elle est accordée, commençant généralement le 15 mai. L’ASPAS organisera donc « un rassemblement citoyen et inter-associatifs à Paris, place de la République, pour dénoncer le traitement infligé aux blaireaux. Nous y installerons également un stand éphémère et simulerons une scène de déterrage pour sensibiliser le grand public au sort que certains réservent aux blaireaux ». Le but ? Réclamer « l’interdiction définitive de la vénerie sous terre » , ce que vise, en parallèle, une pétition déposée sur le site du Sénat (rédigée par le porte-parole de l’ASPAS, Marc GIRAUD), et qui nécessite 100.000 signatures d’ici le 30 septembre pour qu’une commission parlementaire soit créée à ce sujet (plus de 13.000 signatures, déjà, au 09 mai).

Le blaireau, des dégâts et des débats : photo 2

GIBIER MAIS PAS NUISIBLE

En 1973, dans son monumental ouvrage intitulé La Chasse, Paul VIALAR s’interrogeait : « Nuisible, le blaireau ? Il faut se poser la question. Pour moi, tout compte fait, je crois – mais sans doute suis-je sentimentalement indulgent pour lui à cause de ce que je n’hésite pas à nommer sa gentillesse – qu’il est, en définitive, plus utile que néfaste… » Si, avec ou sans indulgence ou sentimentalisme, le débat est encore aujourd’hui difficile à trancher, une chose est sûre : notre mustélidé (le plus gros de France) a été, dès 1988, officiellement retiré de la liste des nuisibles – rebaptisée, en 2017, liste des Espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD). Il y a tout lieu de croire, en effet, qu’à la fin des années 1980 les populations de blaireaux avaient notablement diminué, singulièrement par l’effet des mesures qui avaient été prises à l’époque à son encontre dans le cadre de la lutte contre la rage.

Le blaireau, des dégâts et des débats : photo 3
Davantage charognard que prédateur, ce blaireau est sûrement tombé sur ce faisan déjà mort.

RELÂCHÉ EN CAS DE CAPTURE

Concrètement, ce retrait des ESOD signifie que l’on ne peut plus, comme jadis, piéger cet animal ou le déterrer à des fins de destruction (la précision est importante) – ainsi qu’il est encore loisible de le faire (mais pour combien de temps ?) avec le renard. Légalement, il n’est donc plus autre chose qu’un gibier, un gibier qu’il est licite de chasser soit à tir – entre l’ouverture et la fermeture générale –, soit par la vénerie sous terre du 15 septembre au 15 janvier. Concernant cette dernière pratique, il convient de préciser qu’elle peut bénéficier d’une période complémentaire décidée par le préfet (arrêté annuel), qui s’étend généralement du 15 mai au 15 septembre (les blaireautins naissant grosso modo fin janvier, et étant sevrés avant le début de mai). Il n’y a par conséquent plus la possibilité de détruire, au sens propre, le blaireau – et il va de soi qu’en cas de piégeage accidentel l’animal doit être relâché immédiatement (le phénomène est assez fréquent lorsqu’on utilise pour le renard, notamment, une boîte à fauves).

Le blaireau, des dégâts et des débats : photo 4
Le blaireau, des dégâts et des débats : photo 5
Le blaireau, des dégâts et des débats : photo 6

DE RARES EXCEPTIONS

Il faut cependant nuancer ce dernier propos. Le piégeage du blaireau est encore possible, mais sous des conditions très strictes. S’il est avéré, sur tel territoire, qu’il est l’auteur de dégâts conséquents – dégâts constatés par un lieutenant de louveterie –, une demande pourra être adressée à la Direction départementale des territoires, laquelle établira un arrêté préfectoral qui autorisera la régulation, une régulation qui sera réalisée sous la responsabilité du louvetier, et à l’aune des modalités fixées par ledit arrêté. Mais, disons-le sans ambages, cette option est relativement exceptionnelle.

Le blaireau, des dégâts et des débats : photo 7
Crédit photo : Gilles DE VALICOURT

UNE ESPÈCE QUI SE PORTE TRÈS BIEN

Affirmer qu’il est difficile de déterminer précisément le nombre de spécimens qu’abrite notre pays, c’est être en dessous de la vérité – il en va d’ailleurs de même pour bien d’autres espèces sauvages. Si, au moment de son déclassement, on a pu estimer ce nombre à environ 80.000, il dépasserait aujourd’hui largement, selon toute vraisemblance, le million. Inscrit « préoccupation mineure » dans la liste rouge de l’UICN, Meles meles* se porte donc bien – trop bien, même, pour certains, notre mammifère posant par endroits de sérieux problèmes.

Le blaireau, des dégâts et des débats : photo 8

DE TRÈS GROS DÉGÂTS

C’est un animal fouisseur : il est dans sa nature de creuser et, quand on connaît un peu ses particularités physiologiques, on se figure facilement les dégâts qu’il peut commettre, non seulement chez des particuliers (affaissement de terrain, de fondations, etc.) mais aussi sur les bords d’autoroute, les talus des voies de chemin de fer, les digues, ce qui peut représenter des risques non négligeables en matière de sécurité – sans parler des accidents de la route dans lesquels il est directement impliqué. Idem pour les cultures : omnivore, le blaireau peut infliger des dommages parfois considérables aux champs de céréales (maïs en premier lieu), aux vignes, etc., dommages qui ne font pas l’objet d’indemnisations par les FDC, comme c’est le cas pour le grand gibier.

Le blaireau, des dégâts et des débats : photo 9

VECTEUR DE LA TUBERCULOSE BOVINE

Enfin, il y a l’aspect sanitaire : à l’instar du cerf ou du sanglier, il est l’un des hôtes de liaison susceptibles de transmettre la tuberculose bovine (qui est une zoonose), un réservoir de cette bactérie qui est d’autant plus surveillé que notre animal peut fréquenter assidûment les infrastructures d’élevage, comme les auges ou les points d’eau destinés aux bœufs et autres vaches. Rappelons que même si, depuis 2001, la France est officiellement reconnue par l’UE indemne de cette maladie, l’ANSES précise que « quelques foyers d’infection persistent dans certains départements », avec, « chaque année, une centaine de foyers en élevage », « particulièrement en Nouvelle-Aquitaine, où l’on constate une augmentation régulière depuis 2004 ». Et ajoutons qu’un seul cas avéré de tuberculose bovine suffit à ordonner l’euthanasie de tout le cheptel alentour…

Le blaireau, des dégâts et des débats : photo 10
Rare photo d’une rencontre entre un veau et un blaireau.

UNE CHASSE À TIR QUASI-IMPOSSIBLE

Gibier, le blaireau n’a pas de prédateur – excepté l’homme. Bien qu’il faille être prudent, pour les raisons que nous avons dites, on ne peut pas ne pas constater sa surreprésentation en beaucoup de régions. Faudrait-il le réintégrer dans le groupe 2 des ESOD (espèces ‘‘envahissantes’’ indigènes, comme le renard ou la fouine) ? D’aucuns le pensent. Car, soyons honnêtes, le tir de cet animal pendant la période de chasse est plus qu’aléatoire du point de vue de l’efficacité. En trente ans de permis, il n’est arrivé qu’une seule fois à votre serviteur de tuer un blaireau, en chassant à la billebaude auprès d’un champ de maïs (un jour d’ouverture) ; et c’est sans doute le cas de nombre de nemrods.

Le blaireau, des dégâts et des débats : photo 11

LA VÉNERIE SOUS TERRE, SEULE SOLUTION

Reste la vénerie sous terre, dont les « prélèvements » annuels se situent autour 12000 individus, pour environ 600 équipages créancés dans la voie du blaireau. Mais c’est omettre qu’il s’agit là d’un mode de chasse (avec parfois des prises relâchées) – non d’une méthode de régulation ou de destruction –, un mode de chasse, d’ailleurs, qui ne couvre pas tout le territoire français. C’est oublier, enfin, que son interdiction est ardemment réclamée par les associations de protection. Qu’adviendrait-il si la vénerie sous terre finissait par être prohibée ? Une recrudescence de l’empoisonnement et du braconnage ne serait-elle pas à craindre ? Certainement, ces questions se posent-elles plus que jamais au sujet de Meles meles…

Le blaireau, des dégâts et des débats : photo 13

* Meles meles : nom scientifique du blaireau.