Carabine ou filet ?

Carabine ou filet ?

Entre nous, que cela fait du bien d’être en juin ! Après des semaines de temps maussade, et un joli mois de mai, pas si joli que ça dans la plupart de nos régions, ce mois de juin globalement ensoleillé réjouit tout un chacun, et les chasseurs encore davantage. Car ça y est, nous y sommes. Si certaines chasses de régulation sont possibles au printemps, pour beaucoup d’entre nous, la chasse débute le 1er juin. Matériel fourbi, carabine révisée et optique contrôlée, nous nous mettons en quête des brocards, petite tête à boutons chétive, ou grand six au bois épais noirs et perlés. Et de pouvoir, la plupart du temps, tirer renards et sangliers, pour préserver la poule et le maïs, ne peut que faire adhérer plus de monde à cette pratique sympathique. Loin des rassemblements conviviaux de l’automne, ces sorties, le plus souvent solitaires, à l’aube ou au crépuscule, ont un charme particulier. Autant que l’animal de chasse, on y recherche la fraîcheur, et la sensation d’être un peu seul au monde, à ces heures où le commun des mortels s’assoupit, ou n’a pas encore ouvert l’œil. Si l’essor du grand gibier a porté la chasse française ces dernières décennies, la chasse individuelle, plus que la battue, recrute les nouveaux nemrods. Les approches estivales semblent donc avoir de beaux jours devant elles.

Malheureusement, on ne peut pas en dire autant de tous les modes de chasse. En effet, le 24 mai, le Conseil d’État a donné deux mois au ministre de la Transition écologique pour abroger deux arrêtés de 1989 fixant le cadre des chasses à la glue et des tenderies. Il s’agit de ces chasses traditionnelles aux vanneaux et turdidés dans les Ardennes, et ces mêmes turdidés (grives et merle) en Provence. Au nom du droit, à ne surtout pas confondre avec la justice, ces juges entendent définitivement abroger un art de vivre pratiqué par quelques rares vieux messieurs ancrés dans leurs terroirs. Partout ailleurs qu’en Europe, ces derniers (dans tous les sens du terme) seraient considérés comme les dépositaires d’un savoir-faire ancestral à préserver quoi qu’il en coûte. Mais chez nous, on les caricature en bouseux sadiques imbibés d’alcool exerçant d’odieux sévices sur de pauvres petits « zozios ». En souscrivant à ces mensonges diffusés par la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux), le Conseil d’État exprime clairement un choix de société abject qui entend substituer au bon sens paysan la bonne conscience urbaine. Parmi les justifications à cette décision, on appréciera qu’il existe d’autre moyens que ces pièges pour prélever ces oiseaux, en clair qu’il est possible de les tirer au fusil de chasse. Le premier des intérêts des chasses traditionnelles est justement qu’elles se pratiquent sans arme. On peut donc s’inquiéter que, dans cette logique, les autres chasses traditionnelles (palombières, pantes à alouettes, etc.) soient bientôt condamnées. Mais, désormais instruits que l’arme à feu est préférable au filet ou au crin de cheval, c’est l’âme en paix que nous allons approcher brocards, renards et sangliers.