Pourquoi le superposé s’est imposé

Il n’est qu’à observer des chasseurs pour remarquer que le superposé est très majoritaire dans leurs rangs. Quant aux tireurs de Ball-Trap, ils n’ont recours qu’à ce type de fusil. Quelles peuvent bien être les raisons d’une telle suprématie ?
DES ARQUEBUSES DÈS LE XVIème SIÈCLE
Le choix des arquebusiers de disposer verticalement les canons n’est pas une affaire récente. Dès le XVIème siècle, les arquebuses à rouets fonctionnaient correctement avec ce type d’architecture. Le principe mécanique du rouet, pour la mise à feu de la charge du projectile, s’apparente au fonctionnement du briquet moderne. Certains attribuent son invention à Léonard DE VINCI, puisque ses croquis en détaillent le fonctionnement.

Crédit photo : Gilles DE VALICOURT
AVEC LE HAMMERLESS, TOUT REDEVIENT POSSIBLE
Malgré son ingéniosité, le rouet fut abandonné au profit de platines à chiens extérieurs, moins couteuses à produire. Ce choix imposera aux armuriers, pendant des générations, la disposition juxtaposée des canons aux fusils de chasse. Il faudra attendre l’invention du fusil hammerless, c’est-à-dire sans chiens extérieurs, à la fin du XIXème siècle pour qu’ils s’intéressent à nouveau au superposé.

Crédit photo : Gilles DE VALICOURT
UN FRANÇAIS INVENTE LA BASCULE BASSE DU SUPERPOSÉ
À cette époque, au tout début du XXème siècle, l’artisanat anglais avait déjà tout inventé des principes du fonctionnement du fusil de chasse juxtaposé. L’avènement du superposé devait permettre aux grands armuriers d’enrichir leurs catalogues. Ce sera le cas de WOODWARD, aujourd’hui propriété de PURDEY, ou encore de BOSS et bien d’autres. Leur bascule utilise le basculage sur tourillons inventé vers 1885 par PIDAULT à Auxerre. Un français est donc l’inventeur de la bascule basse moderne, utilisée, par exemple, aujourd’hui par PERAZZI.

Il associe deux inventions géniales : le principe du basculage sur tourillon de PIDAULT, et celui de la batterie détachable à ressorts à lames de PERAZZI.
Parallèlement à l’artisanat, au début du siècle dernier, l’industrialisation permit aussi la fabrication de fusils. En 1905, l’Allemand MERKEL créa le premier superposé moderne de l’ère industrielle. Cette première « bascule allemande » comme la nommait COURALLY, est haute. En effet, contrairement aux tourillons, son système de basculage comme son verrouillage se situent sous les canons.

Sa hauteur de bascule offre une belle surface à la gravure.
Une vingtaine d’années plus tard, le génial J.-M. BROWNING allait lui emboîter le pas avec son B25.

CE QUI A FAIT LA RÉUSSITE COMMERCIALE DU FUSIL DE CHASSE SUPERPOSÉ
C’est sans conteste le tir sportif qui fit le succès commercial du superposé, comme le remplacement du traditionnel calibre 16 par le 12. Dans les années 1930, bousculés par La Grande Dépression, débarquent en Europe deux tireurs américains inconnus : RENFRO et WARREN. « RENFRO est vraisemblablement le plus grand tireur que l’on ait vu en Europe de tous temps. Il se servait d’un ou plutôt de plusieurs superposés MERKEL », témoigne Jean LURKIN* dans Le testament du tireur. L’arrivée des trublions dans le quant-à-soi européen du tir sportif au fusil de chasse sema l’émoi. Leurs nombreuses victoires en grands prix jusqu’à la Seconde Guerre mondiale participèrent à imposer le superposé au tir sportif.

EN QUOI LE TIR DU FUSIL SUPERPOSÉ EST-IL PLUS AISÉ ?
Précisons d’abord qu’en terme de qualité balistique, c’est-à-dire groupement et pénétration, les performances du superposé sont équivalentes à celle du juxtaposé. Celui-ci est même parfois plus apprécié par certains en battue sur le gibier traversard, le petit, mais aussi le grand gibier dans le cas d’une carabine express.

En revanche, les 2 bandes latérales des canons du superposé « influencent favorablement le réglage de son tir en hauteur », constatait Ferdinand COURALLY**. Le régime vibratoire de ses canons fait, en effet, porter naturellement leur charge un peu plus haut. En termes pratiques, cela signifie que pour obtenir la même hauteur en cible, vous devrez découvrir environ deux fois plus de bande avec un juxtaposé qu’un superposé. Sa visée est donc plus précise, et rapide, d’autant plus s’il est équipé d’une bande supérieure fine.

Avec le modèle 525, nous en sommes à la cinquième génération de cette légendaire bascule presque indestructible.
UNE VISÉE PLUS PRÉCISE
L’architecture des canons « over and under », comme les anglais l’appellent, aide aussi grandement au pointage et à la visée en masquant moins la cible. Si, à calibre égal, le fusil juxtaposé est un peu moins lourd que le superposé, celui-ci possède un centre de gravité un peu plus en arrière. Avantage non négligeable, il s’accommodera de canons plus longs sans piquer exagérément du nez, ce qui peut se révéler fatiguant à cadence élevée. De plus, la position « sur le champ » des canons donne l’impression qu’ils sont plus légers qu’en réalité. En complément, la forme pleine de sa longuesse est souvent ressentie comme plus agréable et évitera parfois de se brûler les doigts.

Sa bascule associe le basculage sur tourillons à un verrou supérieur en forme de tuile, invention d’un autre Français, PÉTRICK, brevetée en 1923.
UN RECUL MOINS TRAUMATISANT
Lors du tir, le départ du premier coup, normalement le canon du bas, le tireur ressent un recul moins traumatisant pour sa pommette qu’avec un juxtaposé. En cas de doublé, cela lui permettra de mieux conserver la visée en vue du tir du second coup. Si certains ont pu reprocher au superposé la difficulté d’accès à la chambre du bas, ce n’est plus le cas avec nos bascules modernes très basses.

Tous ces avantages du fusil superposé, un Américain nommé RENFRO les avait repérés avant tout le monde. Tout juste débarqué en Europe, en 1931, son superposé contribua à sa victoire surprise au championnat du monde de tir au pigeon de Monte-Carlo. Depuis, cette architecture des canons demeure l’apanage des tireurs sportifs.

*Jean LURKIN : tireur et auteur du début du XXème siècle.
** Ferdinand COURALLY : auteur de la fin du XXème siècle.