Le Luger 312 : l’artillerie lourde des huttiers par les huttiers !

Le Luger 312 : l’artillerie lourde des huttiers par les huttiers !

Les fusils à triple canon ne sont pas une nouveauté. Dénommés « Schrott Drillinge » par nos voisins d’outre-Rhin, ils étaient déjà disponibles au début du XXème siècle. Le troisième canon était en général placé sous les deux autres tubes. Ces fusils étaient conçus pour une chasse généraliste. Certains possédaient trois détentes et un sélecteur. Ils ont disparu avec l’arrivée des semi-automatiques fiables. Il faut attendre les turcs et la maison AKKAR pour voir renaître les « 3 canons » autour de 2010.

FORT COMME UN TURC

AKKAR est une entreprise turque, fondée en 1985, qui se consacrait à la sous-traitance de pièces pour l’industrie automobile et armurière dans une usine ultra moderne. En 1992, AKKAR se lance dans les armes, avec des fusils à pompe et des semi-automatiques vendus sous la marque ALTAY. Ce succès sert d’émulation pour d’autres fabricants turcs et ouvre la porte à la collaboration avec les distributeurs du marché américain.

Le LUGER 312 : photo 2
L’Altay 212 Silver.

AKKAR va s’associer à d’autres fabricants occidentaux en produisant pour eux différents modèles de juxtaposés ou superposés sous la marque CHURCHILL. L’arrivée en 2005 des modèles 206, superposés fiables et bien finis, est un nouveau succès pour la maison d’Istanbul.

Le LUGER 312 : photo 3
Le Churchill 206 Sporting Silver.

LE RETOUR DES TROIS CANONS

L’apparition des fusils à trois canons Mammut 300 consacre définitivement le succès pour AKKAR. Ignoré par le marché européen, ou presque, le Mammut retient l’intérêt des Italiens de CHIAPPA, qui l’assemblent dans leur usine américaine avec les éléments venus de Turquie, et le vendent pour la défense ou le Cowboy Action Shooting sous le nom de Triple Threat, ou Triple Crown, avec diverses longueurs de canons, et même une crosse démontable.

Le LUGER 312 : photo 4

LA GENÈSE DU LUGER 312

L’intérêt pour les triples canon existe en France dans le milieu des chasseurs à la hutte, car il combinerait les avantages du canardouze avec un troisième coup immédiatement disponible. À l’instigation de Matthieu VITAL, chef de produits chez RIVOLIER et passionné de hutte, en partenariat avec GABION UNLIMITED, le développement du 312 est lancé chez AKKAR sous la marque LUGER. La gestation durera plus de deux ans. En partant du Mammut 335 Camo Max 5 en12/89 et tubes de 71 cm, les Turcs vont modifier le fusil pour le rendre compatible au cahier de charges de RIVOLIER, à savoir commander le tir simultané des deux canons inférieurs, puis celui du haut, ou d’utiliser l’option mono détente commandant trois départs indépendants droite/gauche/haut.

Le LUGER 312 : photo 5
Le Mammut 335 Camo Max 5.

LE CAHIER DES CHARGES DE RIVOLIER

Les canons doivent être rallongés à 81 cm pour assurer des tirs à grande distance, et le poids doit être augmenté pour rendre le recul supportable. La sécurité pour le tireur est de première importance : le système de percussion doit empêcher de façon 100% fiable le départ simultané des 3 tubes. De même, pour réduire les blessures au doigt du tireur, il est impératif de conserver la mono détente.
Afin d’optimiser le rendement lors du tir simultané des deux canons, ces derniers sont montés de façon parfaitement parallèle, sans convergence, ce qui garantit une couverture importante à l’arrivée de la gerbe, particulièrement appréciée lors du tir d’un groupe de canards posés à grande distance. Le troisième canon permet « d’assurer », le cas échant, sur un ou des oiseaux blessés. Le tir sur cible à plus de 50 mètres valide le concept. Les canons sont éprouvés pour tout type de grenailles de substitution. Chambrés en 12/89, ils sont équipés d’embouts interchangeables. Le Luger 312 est livré avec 6 chokes : 3 demi et 3 full. Il est entièrement Camo Max 5, à l’exception de la bascule noir mat anti reflets : parfait pour les nuits où la lune éclaire trop.

Le LUGER 312 : photo 6
Le Luger 312 Gabion Unlimited Camo Max 5.

DU LOURD !

Comparé au Mammut 335, destiné au tir au vol et ne pesant que 3,95 kg, il a fallu alourdir le 312 pour protéger l’arme et, surtout, le tireur lors du tir simultané de charges lourdes (50 g et plus ). AKKAR a soudé deux bandes pleines de 10 mm, une sur le dessus et une sous les deux tubes parallèles. Ces bandes, lourdes et épaisses, combinées à la crosse en matériau synthétique presque indestructible et les 6 contrepoids de 66 g logés dans cette dernière portent le poids du Luger 312 à un bon 6,5 kg.
Ce n’est pas tout, le 312 est équipé d’un amortisseur de recul. La plaque de couche en élastomère est efficace. Elle complète toute la technique précitée pour garantir le confort maximum au tireur.

Le LUGER 312 : photo 7

DE BONS DÉPARTS

Au niveau du tonnerre, la bande supérieure reçoit un rail en acier de 11mm pour le montage de la lunette de gabion. L’originalité du Luger 312 triple canon réside dans son système de commande de la percussion. Cette partie a été difficile à mettre au point pour une utilisation de longue durée, fiable et sure. L’intégration de la commande des départs simultanés au système qui interdit le départ des 3 canons ensemble, tout en gardant la mono détente sélective fut un véritable casse-tête, qui a exigé une longue mise au point. Les ingénieurs turcs pensaient ne pas y arriver lors de la réception du cahier des charges. La mise au point a demandé beaucoup de travail et d’essais. Mais le 312 fonctionne parfaitement, de façon sécuritaire.

Pour contrôler les départs dans le noir total de la hutte, le sélecteur à trois positions possède un petit poussoir qui indique l’état de l’arme :

  • En arrière, le fusil est en sécurité.
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  • Au premier cran, il tire de façon classique, et le poussoir peut être enfoncé par le doigt ce qui confirme la position.
Le LUGER 312 : photo 9
  • Au deuxième cran, la détente commande les deux canons du bas et le poussoir ne s’enfonce plus.
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AU STAND, ÇA SECOUE !

La chasse étant fermée lors des essais du Luger 312, je me suis contenté de le tirer en stand, en appui sur un sac un peu comme dans une hutte, mais aussi au vol sur plateaux. Si les cartouches classiques chargées jusqu’à 50 g sont très confortables à tirer, même en tir soutenu, improbable à la chasse, le tir des 89 chargées à 63/64 g de plomb (je sais, c’est interdit sur l’eau) demande une tenue parfaite du fusil pour ne pas se faire surprendre.

Le LUGER 312 : photo 11

Lors de la prise en main du jouet, j’ai tiré deux WINCHESTER XX Super Magnum de 63 g, le fusil étant imparfaitement tenu de façon volontaire. Le recul est brutal, déstabilisant, mais la gerbe arrive où il faut. En revanche, ce genre de tir répété vous laissera des séquelles. Après ce « gag », j’ai fini ma boîte sans aucun souci, tout en complétant avec le troisième canon et une 42 g.

ADOUBÉ PAR LES HUTTIERS

Lorsque le 312 est bien épaulé, même sans le poids supplémentaire d’une lunette, le recul reste parfaitement gérable. Le stand n’offrant qu’une soixantaine de mètres, j’ai tiré sur un plateau posé à 50 m sur une palette, les 126 g de grenaille numéro 4 pulvérisant le plateau et détruisant la palette. La densité est bien là, tout comme la surface importante couverte par la gerbe. Au vol, le poids se fait sentir mais c’est jouable, si on n’essaie pas de faire une planche de 25. Après cette avant-première, je n’ai pu récupérer le fusil que pour une petite semaine en juin. Je l’ai fait essayer à mon ami Fabrice, huttier passionné habitué au canardouze et au BROWNING Maxus. Nous avons utilisé des cartouches JOCKER Bio en 50 et 36 g et des WINCHESTER Blind Side de 46 g.

Le LUGER 312 : photo 12

LONGUE PORTÉE

Nous avons testé le Luger sur des gongs d’acier à 50 et 75 m. Pendant qu’un tirait, l’autre observait les cibles pour évaluer la gerbe et sa consistance, ou essayait de prendre l’impact en photos.
À 75 m, la densité de billes de gros diamètre touchant le gong de plus de 10 kg est suffisante pour le faire remuer. La couverture est importante, avec assez de grenaille pour aller chercher un oiseau solitaire posé à cette distance.

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Fabrice vient d’envoyer deux coups simultanés de 50 g et se prépare à envoyer la troisième cartouche.

LARGE COUVERTURE DES CIBLES

Le troisième canon porte quasiment au centre de la gerbe des deux premiers. Intéressant pour ceux qui ont l’occasion de tirer de jour (oies en plein champ par exemple), le cran de mire inclus dans le rail de 11 mm couplé au guidon fluo offre une excellente précision aux distances d’essai (50 et 75 m), du moins avec les munitions employées.

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À cinquante mètres, on constate que les deux coups simultanés couvrent largement les deux cibles (petite grenaille), et le troisième canon (grosse grenaille) porte bien au centre des deux premiers.

Malgré la forte chaleur et les tirs en succession rapide, plus proches du ball-trap que de la chasse à la hutte, nous n’avons pas eu à souffrir d’un seul problème. Percussion, extraction et tenue des groupements furent parfaites. Ceux d’entre vous qui sont allés au Salon des migrateurs ont pu prendre en main ce fusil, qui a déjà encaissé une énorme quantité de cartouches et fonctionne comme une pendule suisse.

OBJECTIF HUTTE

Huttier occasionnel, utilisant un WINCHESTER SX4, je dois admettre que ce Luger 312 me laisse pensif, et me force à revoir un peu mes à priori politico-culturels et techniques. En fait, si je devais me lancer vraiment dans la chasse à la hutte, je suis obligé d’admettre que ce fusil serait tout en haut de ma liste pour un achat futur. Puissant, précis, fiable, confortable, combinant les avantages d’un canardouze, d’un fusil conventionnel et d’un semi-auto, il semble évident que Matthieu VITAL et les ingénieurs et ouvriers turcs ont réussi leur copie.

Le LUGER 312 : photo 15

FICHE TECHNIQUE

Fabricant

AKKAR, Turquie

Modèle

Luger 312

Type

Fusil juxtaposé avec troisième canon au dessus du faisceau.

Calibre

12/89, éprouvé tout type de substituts.

Canons

81 cm

Chokes

Interchangeables, 3 demis et 3 full livrés.

Détente

Mono avec sélecteur spécifique.

Crosse

Entièrement synthétique avec amortisseur de recul et contrepoids.

Finition

Camo Max 5, sauf bascule noir mat anti-reflets.

Poids

6,5 kg

Distributeur exclusif

RIVOLIER

Prix

2290 €