Votre fusil vous convient-il ?

Votre fusil vous convient-il ?

Qui n’a pas entendu l’adage : « Le canon tire mais la crosse tue ». Cela sous-entend l’indispensable configuration de la crosse, trait d’union avec son utilisateur. À cette fin, l’armurier effectue ce que l’on nomme « la mise à conformation ». Mais d’ailleurs, qu’est-ce qu’une arme qui tombe bien ?

C’est sans doute, d’abord, une arme que l’on oublie à l’instant de désigner la cible du bout du canon. Le premier champion du monde français de Parcours de Chasse, Michel RIBOULET, insistait en ce sens : « Ne te bats pas avec ton fusil ! »

Une fois ce premier précepte posé, encore faut-il que le canon envoie la grenaille où le regard lui indique.

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Un fusil conformateur peut permettre de dégrossir le travail d’adaptation d’une arme au tireur.

VÉRITABLE PROLONGEMENT DU CHASSEUR, IL NE DOIT « PAS SE BATTRE AVEC SON FUSIL ! »

Ne l’oublions jamais, au tir comme en conduite automobile, les yeux désignent une direction. En pratique, à quel conducteur viendrait l’idée de conduire la tête oblique. C’est pourtant un défaut récurrent chez le tireur novice. Qui n’a jamais observé un chasseur se livrant à une contorsion cervicale ? Il nourrit ainsi l’inconfortable espoir de la coïncidence de son regard avec la ligne de mire…

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C’est parfait, tout est aligné, les deux tubes sont biens verticaux.

C’est par sa poignée que nous vous conseillons de commencer la vérification de la bonne conformation de votre fusil.

1 – LA POIGNÉE

La plupart de nos superposés modernes sont équipés d’une crosse pistolet. Elle permet de bien caler la main, et surtout, une position verticale plus anatomique du poignet. En revanche, ce type de crosse offre moins de latitude, quant à la position idéale de l’index sur la queue de détente. Vérifiez donc que le volume et la courbure de votre poignée la placent idéalement au centre de la première phalange de l’index. Il ne doit être, ni trop, ni trop peu engagé, au risque d’engendrer un « coup de doigt ». Dans ce cas, demandez l’intervention de votre armurier. Réclamez-lui aussi d’adoucir le « poids de départ » du mécanisme s’il vous semble trop dur.

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La poignée doit amener un placement parfait de l’index sur la queue de détente.

2 – LA LONGUEUR DE CROSSE

On la mesure depuis la première détente, où la monodétente, jusqu’au milieu de la plaque de couche. Cette mesure est personnelle, pour autant, afin d’éviter de « se battre » avec son fusil au moment de l’épauler, évitons les crosses trop longues. En ce sens, crosse en joue, il est souhaitable de ménager un espace d’environ 2 doigts entre le pouce et nez. Car, lever la tête, du fait de l’appréhension du recul, est une cause importante de ratés.

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L’épaulé est parfait, la crosse est exactement placée au creux de l’épaule. La distance est respectée entre la main forte et le nez.

La longueur principale de la crosse est complétée par sa longueur au talon et au bec de crosse. Ces deux valeurs complémentaires indiquent ce que l’on nomme le « pitch » ou la « tombée ». C’est-à-dire l’inclinaison verticale de la plaque de couche, généralement comprise entre 85° et 90°, par rapport à la ligne de visée. L’intérêt du pitch est de permettre à la plaque de bien épouser la cavité de l’épaule. Par exemple, si votre crosse vous blesse avec son bec, demandez à votre armurier de le réduire.

3 – LA PENTE DE CROSSE

C’est l’angle formé verticalement entre le prolongement de la ligne de visée et le sommet du busc. Deux valeurs essentielles la désignent. La première, facilement vérifiable à l’œil nu, est la pente de crosse au talon. Elle complète ce qui vient d’être dit à propos du pitch. Un défaut souvent observé, concerne le manque de pente au talon. Quand en position épaulée, celle-ci dépasse exagérément en hauteur le creux de l’épaule. La précision et le confort au tir s’en ressentent alors.

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Un manque de pente au talon de crosse entraîne un mauvais appui de la plaque de couche.

Une seconde valeur de pente, à la zone d’appui sur le sommet du busc, détermine la hauteur du tir. En effet, au tir au fusil de chasse, l’œil fait office de hausse, donc plus il est situé haut au-dessus de la bande du canon, plus le coup porte dans ce sens. Chacun a tout l’intérêt de savoir où tire son fusil. À cette fin, on procèdera au tir de quelques cartouches, à la « plaque », à la distance d’une vingtaine de mètres.

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Tir à la plaque, indispensable pour vérifier le réglage d’un fusil.

Ultérieurement, la façon de modifier la hauteur du tir sera d’agir sur celle de l’œil par rapport à la bande de visée. Selon son goût ou sa discipline sportive, il décidera de « prendre plus ou moins de bande ». (Lire l’encadré sur la mesure et l’effet du réglage de la hauteur de bande).

4 – L’AVANTAGE DE LA CROSSE

C’est l’angle horizontal de la crosse par rapport à la ligne de visée. En théorie, il dirige le tir latéralement. Pour un droitier, pas assez d’avantage fait tirer à gauche, trop d’avantage à droite. Mais, cette notion est incomplète. Et, l’avantage, au sommet du busc, devrait avant tout avoir pour fonction de placer, si nécessaire, la plaque de couche au creux de l’épaule. Dans la réalité, beaucoup se satisfont parfaitement d’une crosse droite.

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La presse permet de rectifier pente et avantage, dans une certaine mesure.

Attention, donner de l’avantage au bec de crosse est toujours obligatoire pour éviter le vrillage ou dévers des canons. Vous pouvez vérifier ce phénomène dans un miroir en observant l’inclinaison des canons autour de la bande de visée. Lors d’un test en cible – comme précédemment -, on observe alors un impact décalé vers le bas et dans le sens du vrillage.

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Épauler en direction d’un miroir vous permettra de déceler très clairement un éventuel vrillage des canons.

De ce qui vient d’être dit, on conçoit mieux d’aligner l’œil sur la bande en jouant prioritairement, sur l’épaisseur de la crosse à la zone d’appui sur le busc.

Il existe un excellent moyen de vérifier le bon alignement de l’oeil avec la bande de visée, si elle est dépourvue d’un guidon intermédiaire. Il consiste à scotcher sur la bande une fine bande en papier découpée. On peut aussi la coincer entre le tonnerre et la culasse du fusil après l’avoir refermé. Epaulé et mis en joue les yeux préalablement fermés, une fois rouverts, tout défauts d’alignement devient une évidence (voir photos).

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Œil trop à gauche, le fusil tirera à gauche.
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Maintenant, la visée est parfaite avec 4 mm de bande ; visuel intermédiaire et guidon orange dans l’axe.

En conclusion, retenons qu’au tir au fusil de chasse l’œil, en regard du tonnerre, fait office de hausse. En conséquence, la position de la pupille non seulement en hauteur, mais encore latéralement, et dans les même proportion (voir encadré) détermine la direction du tir. Pour la direction du tir, l’appui au busc sous l’os malaire, fait office de « véritable guide automatique à la visée », comme COURALLY* le constatait si justement.

DANS QUELLE MESURE DOIT-ON DÉCOUVRIR DE LA BANDE ?

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Vérification hauteur bande avec pièces au tonnerre.

Une fois votre fusil épaulé et en joue, la façon pratique de mesurer la hauteur de bande visible, consiste à scotcher des pièces de 1 euro (épaisseur 2 mm) au tonnerre du fusil. Si 2 pièces masquent la bande, on dit que le tireur « prend 4 mm de bande ».

Dans le cas d’une arme dont la convergence du canon est réglée « point visé, point touché » à la distance de 35 mètres, voir 4 mm de bande équivaut à rehausser le tir de 18,66 centimètres. Attention ! Un guidon volumineux aura tendance à abaisser la hauteur du tir (et inversement).

Une formule permet de calculer précisément l’écart en cible, en hauteur comme latéralement, selon la position de la pupille au tonnerre du fusil. Elle consiste à multiplier la hauteur qui sépare la pupille de l’œil au tonnerre par la distance de la cible, divisée par la longueur du canon. Soit : 0,4 × 3500 / 75 = 18,66 cm.

CQFD !

* Ferdinand COURALLY : auteur de la fin du XXème siècle.