La traque affût, le mode de chasse qui monte…
Depuis quelques mois, les médias relatent ce qui, à leurs yeux, serait une nouvelle technique de chasse, procédé qui pourrait répondre aux défis que pose la chasse, voire la régulation du grand gibier en France. Il s’agit de la traque affût.
Le constat est partagé, que l’on soit chasseur ou non, il y a de plus en plus de grands animaux en France : sangliers, chevreuils, et cerfs pour la plupart. Cette abondance permise par la mise de place de plans de chasse (quotas) il y a bientôt 50 ans, et favorisée par le réchauffement climatique et les modifications de l’agriculture, n’est pas sans poser de sérieux problèmes. Aux premiers rangs de ces soucis figurent le coût des dégâts aux cultures, intégralement financé par les chasseurs. Mais, il y aussi des déprédations dans les forêts et des interactions négatives avec le grand public, dégâts aux infrastructures de transports et collisions notamment. Ainsi, le tableau de chasse aux sangliers a été multiplié par 30 ans depuis les années 80 alors que dans le même temps le nombre de chasseurs est passé de plus de 2 millions de porteurs de permis à moins d’un million aujourd’hui.
Beaucoup plus d’animaux et beaucoup moins de chasseurs, voilà une équation problématique. Car si les chasseurs ne chassent pas dans une optique de régulation de la faune, force est de reconnaitre que la maitrise des populations de grand gibier est devenue centrale dans l’univers de la chasse en France, et que l’ensemble des chasseurs est désormais comptable des impacts de la grande faune devant la société.
De plus, en dépit de la baisse du nombre de chasseurs, l’explosion des populations de grands animaux a généralisé le recours au tir à balle et l’emploi de carabines, dont la dangerosité est bien supérieure au tir à la grenaille avec de simples fusils. Les chasseurs doivent donc répondre collectivement au double défi de tuer de plus en plus de grands animaux tout en atteignant le zéro accident de chasse. Il leur faut donc être sûrs et efficaces. Ainsi, le mode de chasse majoritairement pratiqué en France, la battue, n’est plus suffisant, ni adapté au règlement de cette double problématique. On lui reproche en effet parfois sa dangerosité liée au tir au saut du layon, avec l’obligation de respecter un angle de trente degrés par rapport à ses voisins, pour se prémunir de ricochets, et qui impose un nombre important de participants. De plus, dans ce mode de chasse, les animaux franchissent les lignes de tir à vive allure poussés par les chiens et les traqueurs. Si elle a, pour le meilleur, favorisé l’essor de la chasse aux chiens courants et est indéniablement conviviale, elle est de l’avis d’observateurs avertis insuffisante pour exercer une chasse efficace. Le nombre moyen de balles tirées pour un animal prélevé excédant le plus souvent 8.
Importé des pays de tradition cynégétique germanique, les modes de chasse dit silencieux ou individuels ; approche et affût, se sont aussi formidablement développés ces dernières décennies, offrant à ceux qui ne goûtaient pas particulièrement la battue l’opportunité de modes de chasse plus sereins, parfois exercés en des lieux périodes différentes de la battue. Nous pensons particulièrement aux chasses estivales. S’exerçant sur des animaux statiques, le ratio balle tirée / animal prélevé est logiquement bien meilleur, le plus souvent compris entre 1 et 2. Voilà un mode de chasse des plus sûres mais qui ne suffit pas à la réalisation intégrale des plans de chasse et est, de surcroît, boudé par certains chasseurs traditionnels.
C’est donc la traque affût qui est mise en avant pour relever le défi. Si elle n’a pas vocation à remplacer les autres techniques, sa promotion devrait permettre de mieux réaliser les plans de chasse. Il s’agit en fait d’un mix entre battue et chasse silencieuse. Mais, si le terme traque affût est assez récent, la réalité qu’il désigne est plus ancienne. Les chasseurs germaniques, encore eux, y recourent de longue date sous le terme de « drücken », qui fut un temps francisé par l’expression « poussée silencieuse » par les précurseurs de la méthode en France. Très concrètement, un nombre assez réduit de chasseurs, au regard des grands rassemblements en battue traditionnelle, est réparti sur des postes à l’intérieur des traques et non plus sur les chemins. Le plus souvent, les postés sont juchés sur des miradors pour faciliter les tirs fichants.
Le plus faible nombre de postes permet de tous les équiper de ces plateformes sécuritaires. Judicieusement choisis pour permettre des tirs en toute sécurité, grâce au relief notamment, il est parfois possible de tirer 360° autour des postes. Parfois aussi, les responsables de la chasse matérialisent les angles où sont exclus les tirs, par des jalons ou des traces de peintures sur les arbres. Les traqueurs moins nombreux eux aussi, et le plus souvent accompagné d’un nombre réduit de chiens dont la tache se cantonne à débusquer les animaux sans les poursuivre, foulent tranquillement les enceintes. Les animaux dérangés mais pas effrayés se défilent calmement sur leurs coulées habituelles où les tireurs les voient arriver le plus souvent tranquillement.
Il est, dans ces conditions, aisé d’effectuer des tirs précis et, au besoin, sélectifs. Ainsi, un nombre réduit de participants peut réaliser les objectifs du plan de chasse en un minimum de sorties. De surcroît, tous ceux qui ont expérimenté la méthode avance le chiffre d’une à deux balles par animal. Approprié à un faible nombre de chasseurs, sécurisant et efficace, ce mode de chasse est assurément voué à se développer, mais sans pour autant se substituer totalement aux battues auxquelles les chasseurs sont culturellement très attachés.