Rallye Vendéen : un demi-siècle dans la voie de Capreolus

Rallye Vendéen : un demi-siècle dans la voie de Capreolus

Malgré un nom ambigu, le grand anglo-français est une spécificité 100% française et n’est, pour ainsi dire, pas utilisé au-delà de nos frontières. En revanche, ici, il s’impose comme l’un des chiens courants les plus… courants. Laissons cours à sa découverte, en compagnie du Rallye Vendéen qui découple avec brio cet auxiliaire redoutable dans la voie du chevreuil.

Rallye vendéen, un demi-siècle dans la voie de Capreolus : photo 2

Un hiver doux, pluvieux, puis soudain, alors que les prémices du printemps semblaient poindre, le Moscou-Paris envahit la France. Un vent glacial déferle sur nos contrées, et le département littoral de la Vendée, au climat d’ordinaire tempéré, n’est pas épargné. Gelées matinales des plus sévères, puis phase de dégel dans l’après-midi, telles sont les prévisions du jour. Cette météo capricieuse n’a de cesse d’alimenter les discussions parmi les boutons et suiveurs qui, peu à peu, rallient le point de rendez-vous fixé sur la commune de La Réorthe.

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COUP DE FROID SUR LES ESPOIRS

L’avis est unanime : de telles conditions ne sont pas optimales pour le laisser-courre du chevreuil. « Rien de plus mauvais pour la voie », entend-on de façon récurrente dans les rangs des veneurs. La passion, l’optimisme et la convivialité l’emportent toutefois. Les cavaliers revêtent leurs redingotes, vérifient les éperons, ajustent une dernière fois l’épingle de cravate. Les chevaux sont descendus des vans, brossés, puis sellés. Dans le camion, la meute s’agite, impatiente d’en découdre.

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LE CHOIX DU CHEVREUIL

Plus tôt, nous avons rejoint Éric GROLLEAU, maître d’équipage du Rallye Vendéen, à son domicile afin d’échanger quelques mots autour d’un café et de visiter le chenil. Une installation, soit dit en passant, exemplaire tant par sa fonctionnalité que sa propreté. L’aguerri veneur nous a expliqué que l’équipage avait été créé par son père, Michel, dès 1955 pour découpler dans la voie du lièvre : « Si le lièvre était le gibier de prédilection de l’équipage, la règlementation permettait à l’époque de poursuivre toutes les espèces chassables. Les chiens n’étaient pas créancés, et c’est ainsi que le Rallye Vendéen put prendre par le passé chevreuils, sangliers et même cerfs. Le choix de chasser uniquement le chevreuil date des années 70. »

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L’ÉQUIPAGE AUX 1000 CHEVREUILS

« Ténacité et volonté étaient de mise pour courir un tel gibier, car ses populations étaient nettement plus faibles qu’aujourd’hui. C’est à cette époque que nous avons commencé à sélectionner de façon plus rigoureuse nos chiens. Désormais, notre chenil est pour l’essentiel constitué de grands anglo-français tricolores, même si quelques poitevins viennent compléter les effectifs. Nous comptons maintenant plus de quatre décennies dans la voie de capreolus, ce qui fait de nous le plus vieil équipage chevreuil de Vendée, et l’un des plus anciens d’après-guerre au niveau national. En 2016, nous avons célébré notre 1000ème prise. »

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SOUS LE FOUET

Un bref coup de pibole bat le rappel pour le rapport. Attaquer un brocard, tel serait le souhait d’Éric. Avant que « Le départ pour la chasse », vigoureusement emporté par quelques virtuoses de la trompe, ne vienne sonner le début des hostilités, il distille ses dernières recommandations. Un seul mot d’ordre : respect. Celui des autres usagers de la nature évidemment, de la propriété d’autrui bien sûr, mais aussi, et surtout, celui du gibier convoité. Téléphones et autres talkies sont évidemment proscrits. À cor et à cri, comme le veut la tradition.
Sur ces paroles qui ne souffrent pas la répartie, les cavaliers montent en selle, emmenant derrière eux 25 limiers qui, bien qu’empressés, restent aux ordres sous le fouet. Veneurs et auxiliaires empruntent maintenant une allée serpentant à travers la forêt.

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Sous les ordres du maitre d’équipage les chiens profitent d’une coulée pour s’immiscer dans l’enceinte. L’attente ne sera que de courte durée.

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Un premier récris trouble bientôt la quiétude des bois, déclenchant aussitôt une carillonnante symphonie. Quatre chevreuils viennent d’être lancés, apprend-on. Le groupe éclate immédiatement, un brocard faisant le choix de prendre seul la tangente. Présents à l’attaque, quelques boutons appuient immédiatement les chiens sur cette voie.

LA CHASSE EST LANCÉE

Vingt minutes durant le petit cervidé se fait battre en forêt, de carrés en carrés, pour au final reculer et regagner le point d’attaque, avec l’espoir d’y trouver le change.

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Subterfuge partiellement réussi, puisque que quelques anglos s’élancent à la poursuite de deux chevrettes qui viennent de sauter. Le gros de la troupe ne s’est toutefois pas dévoyé, et les fautifs, rapidement arrêtés par l’un des cavaliers, rallient aussitôt la tête.

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Le fuyard se forlonge désormais le long de la lisière. Taïaut ! Il vient d’être aperçu en débucher du côté de Casserole, possédant une confortable avance. Pas moins de trois minutes s’écoulent, avant que ne surgisse le premier chien de tête, entrainant à sa suite une meute endiablée qui empaume, sans hésitation, la voie du fugitif. Dévalant un vaste champ de blé les poursuivants filent grand train.

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SUBTILE VOIE

Puis, contre toute attente, tandis que le groupe atteint le fond d’un vallon, les récris se font soudain moins puissants, s’espacent puis finalement se taisent. Le sentiment semble s’être évaporé. Truffe collée au sol, chacun des élèves du rallye Vendéen travaille méticuleusement à la recherche de la moindre émanation. C’est Java, grâce sa finesse de nez, qui finit par démêler la voie au travers d’une double subtile. Tapé dans un buisson, le brocard repart de plus belle déclenchant à sa suite un sonore carillon.

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TOUTE UNE PANOPLIE DE RUSES

Malgré une meute lancée à vive allure, le pourchassé met à profit les haies et les tènements pour distancer ses assaillants. Sûr de son avance, il multiplie les ruses, hourvaris, doubles, ralentissant à chaque fois les chiens et permettant ainsi aux retardataires de recoller à la tête. C’est toutefois sans compter sur les capacités olfactives des grands anglos à relever les défauts, et l’assiduité des cavaliers à coller au plus près de la chasse. L’un deux vient de sonner la vue. Aussitôt, la meute rallie et reprend une nouvelle fois la voie dans une course effrénée. Les vallons défilent, l’un après l’autre, avant de buter sur les berges du Lay. Le silence reprend ses droits. Les veneurs entrainent les limiers à leur suite le long de la rive, les premiers à la recherche d’un éventuel vol-ce-l’est, les seconds en quête du moindre effluve. La bête semble s’être volatilisée.

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TOMBÉ À L’EAU

Plus probablement, le chevreuil aura battu l’eau, jouant d’une ultime ruse pour tenter de semer ses poursuivants. Suralimenté par les pluies diluviennes, qui récemment ont frappé la région, le petit fleuve côtier est en crue, obligeant les cavaliers à faire un large détour pour regagner un pont. Veneurs et chiens inspectent maintenant la berge opposée. Mais, rien n’y fait. Il est fort à parier que l’animal ait profité de la force du courant pour se laisser porter, et ressortir Dieu sait où. Aujourd’hui, Capreolus a remporté la partie, ainsi va la chasse…

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DE FRÉQUENTS DÉBUCHERS

« La vénerie du chevreuil nécessite des chiens véloces, endurants et fins de nez, qualités que possèdent les grands anglos », nous explique Éric GROLLEAU, alors que nous venons de regagner la cabane qui fait office de rendez-vous. « La rapidité s’impose, afin d’éviter que le gibier ne règle sa vitesse sur celle de la meute, entraînant ainsi l’équipage dans un laisser-courre sans espoir. Mais ici, dans le bocage vendéen, la particularité du biotope nécessite bien d’autres qualités. Par la taille réduite des massifs forestiers sur lesquels nous évoluons, nous nous trouvons la plupart du temps en situation de débucher. D’où la nécessité de chiens indépendants, requérants, capables de relever seuls les défauts, car il n’y a pas toujours de cavalier à proximité pour les appuyer sur la voie. À cela s’ajoute la difficulté liée aux surpopulations du petit cervidé. Dans sa fuite, à travers buissons et boqueteaux, l’animal de chasse tape souvent dans un ou plusieurs de ses congénères. Il nous faut donc des auxiliaires aptes à garder le change. »

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LE CHIEN DE CHANGE

Dans la plus pure éthique cynégétique, le chien courant se doit évidemment d’être créancé, et ne chasse par conséquent que l’espèce pour laquelle il est spécialisé. En revanche, lors de la poursuite, il arrive qu’il se dévoie lorsqu’il croise le sentiment d’un animal de la même espèce. Particulièrement apprécié des veneurs, le chien de change est celui capable de déjouer cette ruse. On parle de chien de change vaincu lorsque le limier abandonne toute poursuite et rejoint le maître d’équipage, et de chien de change convaincu dès lors qu’il arrive à démêler les sentiments pour reprendre la voie de l’animal lancé.

UNE QUINZAINE DE NAISSANCES PAR AN

Afin de faire perdurer ces aptitudes, le Rallye Vendéen fait naître une quinzaine de chiots chaque année au sein de son chenil, en sélectionnant parmi d’autres équipages chevreuil des géniteurs connus pour leurs qualités de chasse. Côté caractère, le grand anglo-français se veut un chien souple, proche de l’homme et facile à ameuter. Nul besoin d’un dressage spécifique pour le créancer. Et si le fouet reste un accessoire indispensable à tout veneur, Éric nous confie ne l’utiliser que rarement. Au sein de l’équipage vendéen, les chiots sont sortis dès l’âge de 15 mois, lors de séances d’entrainement estivales. Puis, quand sonne l’heure de la campagne cynégétique, deux ou trois jeunes sujets sont à tour de rôle introduits à chaque sortie. Les aptitudes naturelles font le reste.

Ce soir, le son des trompes ne s’élèvera pas pour conter la chasse et honorer le gibier.

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Qu’importe. Aucune déception ne se lit sur les visages. Les grands anglos-français du Rallye Vendéen nous auront fait vivre une chasse exaltante, tenant ainsi toutes leurs promesses. La qualité des menées est une chose, la prise en est une autre. La vénerie, comme tout mode de chasse, reste avant tout une école d’humilité.