Le setter irlandais, fier et sensible

Le setter irlandais, fier et sensible

Il fait peur à bien des chasseurs en raison de son caractère entier, mais il est pourtant le plus distingué de tous les chiens d’arrêt. À condition de le comprendre et de l’aimer.

Il est des chiens qui engendrent une savante alchimie faite à la fois d’admiration, de répulsion et d’incompréhension. Le Red Irish Setter est de ceux-là, car quel tonnerre de réactions que le seul nom de setter irlandais provoque ! S’il est un pestiféré dans le petit monde des chiens de chasse, c’est bien lui.

UN MANNEQUIN PARMI LES CHIENS

S’il est un point qui ne souffre aucune contestation, c’est bien sa beauté. Avec sa robe acajou, sa tête sèche bien sculptée, un port altier, sa silhouette d’athlète, sa poitrine large et profonde, c’est la distinction, l’élégance et la force réunies. Bref, il est sans nul doute le plus séduisant, le plus distingué de tous les chiens d’arrêt. Pour le reste, les avis sont pour le moins… partagés.

Le setter irlandais, fier et sensible : photo 2

RARE EN FRANCE

Signe qui ne trompe pas : sur les terrains de chasse français, il est quasi-inexistant. Un constat qui se retrouve d’ailleurs dans le nombre de naissances. Alors que son cousin le setter anglais affiche allégrement les 6000 naissances annuelles, l’irlandais dépasse péniblement les… 600 (chiffres 2021). On lui reproche son caractère entier, son influx nerveux plus que délicat, avec une nette propension à sortir de la main, affirment les esprits chagrins. Les critiques les plus sévères vont même jusqu’à prétendre qu’il est « raide cinglé ».

Le setter irlandais, fier et sensible : photo 3

UNE ANCIENNE MAUVAISE RÉPUTATION

Cette petite musique n’est pas nouvelle, puisqu’on l’entend depuis que les premiers spécimens ont mis les pattes sur le sol français, dès la fin du XIXème. C’est même à se demander s’il a été un jour un chien ayant quelques qualités cynégétiques ! Mais, lorsqu’on relit des vieux auteurs, notamment cette sommité qu’était Ernest BELLECROIX*, passionné de chiens d’arrêt, le doute n’est pas permis. Il n’hésite pas à parler « d’admirable race qui peut lutter de finesse d’odorat, de vitesse avec le pointer ». Même avis chez OBERTHÜR** et l’abbé GODARD***. Pourquoi alors parle-t-on encore d’un chien incontrôlable ?

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VICTIME DE LA MODE

Une fois encore, il a été victime des concours d’exposition, c’est-à-dire de beauté. « Sa beauté a été son pire ennemi », écrit même Pierre REUDET dans son livre consacré aux setters, paru en 1960 aux éditions Crépin-Leblond. En effet, aidé par son caractère aimable, il est devenu un phénomène de mode l’éloignant de la fonction pour laquelle il a été sélectionné en Irlande : la chasse. D’ailleurs, les modèles d’exposition étaient beaucoup plus lourds que ceux faits pour la chasse, sans compter qu’ils développaient de multiples et graves pathologies (notamment des crises d’épilepsie).

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LA REPRISE EN MAIN

Heureusement, depuis maintenant un peu plus d’une génération d’éleveurs dresseurs, le destin du setter irlandais a été repris en main par son club, à telle enseigne qu’aujourd’hui, il n’y a quasiment plus de modèles d’exposition. Signalons que les irlandais de travail sont pour la plupart issus de souches importées d’Irlande par Mme POILLONG, il y a presque 40 ans. Chiens qui provenaient, d’ailleurs, de l’élevage de John NASH qui a su reconstituer d’excellentes origines.

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SES QUALITÉS

Les caractéristiques d’un irlandais ? D’abord une grande longévité (facilement jusqu’à 15 ou 16 ans) et d’une grande rusticité (n’oublions pas qu’il vient d’Irlande, pays de pluie, de vent et de marais). Ensuite d’immenses qualités cynégétiques, servies par une intelligence supérieure à d’autres races de chiens. Aujourd’hui, bien des irlandais sont devenus des chiens précoces. En effet, il est aujourd’hui assez fréquent qu’un petit setter irlandais arrête fermement à l’âge de… 4 mois ! À ce très jeune âge, il a bien assimilé la sagesse à l’envol et le « patron » est naturel. Dans le même esprit, c’est un chien qui « va à l’oiseau », c’est-à-dire qui ne fait pas de faux arrêt sur des places chaudes, et qui monte vers le gibier et le bloque.

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UN BÉCASSINIER

Plus encore, c’est un chien aussi efficace sur les faisans, les perdrix, les bécasses, les grouses et, bien sûr, les bécassines pour lesquelles il a une aptitude particulière, au vu de ses origines. Avec son grand nez, son port de tête haut, son entreprise, il fait merveille pour prendre les émanations très fines, dit-on, d’une bécassine. Autre qualité que l’on doit mettre à l’actif des éleveurs : la race présente aujourd’hui une grande homogénéité. Grâce à un savant dosage de la consanguinité (à n’utiliser qu’avec une grande science, car les éleveurs savent que la consanguinité renforce les qualités mais aussi les défauts), la race est devenue homogène, c’est-à-dire qu’au sein de mêmes élevages, de même portée, tous les sujets ont à très peu de choses près les mêmes qualités. Bref, il n’y a quasiment pas de déchets.

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SES DÉFAUTS

Les défauts ? La perfection n’étant pas de ce monde, notre cher irlandais a bien évidemment quelques inconvénients. Sa robe acajou en est un : En sous-bois, sur un moor, on a du mal à le repérer lorsqu’il est à l’arrêt. Sa quête est étendue (nous avons tout de même affaire à une race de chiens britanniques, synonymes de grande quête et de grand nez) ; une affirmation à nuancer car notre chien est tout à fait capable de la réduire lorsque le couvert est beaucoup plus dense…

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UN ULTRASENSIBLE

Son caractère sensible peut aussi inquiéter. Comme l’a dit et répété l’abbé GODARD, « ce chien n’est pas un cabochard mais souvent un incompris. Alors, comprenez-les et vous en ferez ce que vous voudrez ». N’oublions pas que ce chien est à l’image de son pays d’origine, à la fois « fier et indépendant ». « Il ne faut jamais être pressé » est l’autre commandement des experts. Un leitmotiv qui vaut aussi bien pour le dressage proprement dit. Les spécialistes sont unanimes à dire que « toutes les difficultés propres au dressage d’un chien d’arrêt se trouvent ici démultipliées parce qu’en plus l’irlandais est souvent d’une redoutable intelligence ».

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Toute correction malencontreuse se paiera comptant et très cher. Il faut être ferme et en faire son ami. En d’autres termes, si vous le respectez, votre setter irlandais ne vous décevra jamais. C’est sans doute beaucoup de sacrifices, mais c’est le prix à payer pour pouvoir chasser avec un chien brillant et élégant. Cela s’appelle de la complicité et c’est probablement le Graal que recherche tout chasseur au chien d’arrêt.

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* Ernest BELLECROIX : Cynophile français du XIXème siècle.
** OBERTHÜR : Peintre, écrivain naturaliste français du XIXème siècle.
*** L’abbé GODARD : Expert cynophile français de la fin du XXème siècle