La puissance du nez du chien d’arrêt

La puissance du nez du chien d’arrêt

L’odorat du chien est le plus développé de ses sens. Cette capacité, bien comprise par l’homme, a abouti à une sélection rigoureuse, tout particulièrement pour créer des chiens de chasse hors pair. Mais, le flair du chien reste impossible à évaluer objectivement, et demeure encore sujet à de nombreuses interprétations et débats.

La puissance de nez d’un chien d’arrêt ! Voilà bien un sujet sur lequel les capacités d’imagination des chasseurs ne paraissent pas avoir de limites. À lire de vieux auteurs, à entendre les témoignages de certains de nos compagnons de chasse, les qualités olfactives de leurs chiens seraient si puissantes, si subtiles qu’ils auraient éventé des perdrix, des bécassines à plus de 300 mètres, qu’ils auraient arrêté ces mêmes oiseaux à plus de 100 mètres… C’est tout juste si leurs chiens n’arrêtent pas le gibier de la voiture, vitres fermées !

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Crédit photo : JBD

UNE CONNAISSANCE EMPIRIQUE

Au-delà des anecdotes en tous genres, la question de la portée du nez d’un chien d’arrêt est délicate, car on ne peut émettre que des hypothèses. En effet, jusqu’à présent, aucun homme de sciences n’a publié d’études sur le sujet, c’est-à-dire en ayant réussi à reproduire des dizaines de fois les mêmes conditions de chasse, tant en matière de gibier que de terrain et de conditions climatiques, pour pouvoir en tirer des enseignements. On peut objecter, avec raison, que la thèse relève de l’impossible, car les paramètres peuvent varier à l’infini !

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Crédit photo : JBD

DIFFÉRENTES FAÇONS D’UTILISER SON NEZ

Il faut se dire que n’importe quel chien a du nez, même le plus anonyme des bâtards. Ce qui fait la différence pour les qualités cynégétiques, c’est une rigoureuse sélection de telle ou telle race, sur à la fois la passion, l’entreprise, et l’intelligence (en particulier celle de pouvoir interpréter telle ou telle émanation). Ensuite, chaque race se sert de son nez d’une manière différente : au sol, pour les courants, les spaniels, les chiens de sang, en prenant les émanations d’une manière haute pour les chiens d’arrêt.

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Crédit photo : JBD

LE NEZ À L’ÉPREUVE DU TERRAIN

C’est une évidence d’écrire que le premier paramètre est la configuration du terrain de chasse. Lorsqu’il est plat, ce qu’on appelle les cônes d’émanation du gibier, ou les traces odorantes, seront à priori plus facilement captés par le chien. Mais cela, c’est la théorie, car un terrain plat, sans la moindre aspérité, n’existe pas. Or, le moindre relief modifie la direction des cônes : ainsi, au lieu de s’en aller parallèlement, ils risquent de monter, ce qui rendra le travail encore plus difficile pour le chien, qui plus est en cas de vent. Ne parlons pas de bois où l’émanation circule mal, avec ces barrières végétales, qui provoquent des sortes de microclimats, donc des variations. Dans ce cas, le chien fait ce qu’il peut !

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Crédit photo : Gilles DE VALICOURT

NEZ DANS LE VENT

Évidemment, le vent est un élément qui influence d’une manière décisive le nez d’un chien. On sait ainsi qu’à mauvais vent, c’est-à-dire vent dans le dos, ce même chien a toutes les chances de « taper » dans des perdrix, un faisan, sans avoir pu capter au préalable la moindre émanation. Le plus difficile est quand le vent tourne. Dans ce cas de figure, il est aisé d’affirmer que le chien n’a pas de nez. Ce n’est pas qu’il ne veuille pas, il ne peut pas. C’est pourquoi, en plaine, le chasseur ne doit jamais ménager ses efforts, même si pour ce faire, il doit effectuer de longues contremarches, pour amener son chien dans les meilleures conditions.

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Une grouse en Écosse.
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DIFFICILE BON SENTIMENT

Non seulement le chien doit compter avec le vent, mais aussi avec les dizaines et les dizaines de molécules qui composent l’odeur (le sentiment) d’un animal. Ces molécules, en effet, s’échappent du corps du gibier, créent une espèce de champ odorant, se propagent et se fixent sur le sol et les végétaux. Toutefois, la qualité de « captation » d’un chien dépend du type de végétation, de la température, de l’hygrométrie, d’un éventuel brouillard, d’un soleil éclatant. À cela, il faut ajouter les changements brusques de température dans une même journée, et la présence, hélas plus ou moins forte, de produits chimiques qui altèrent le nez des chiens. Les cynégètes savent parfaitement que les chiens ne chassent pas bien quand il fait trop chaud -supérieur à 30°C- ou trop froid (- 10°C). Au reste, un froid sibérien congestionne les muqueuses d’un chien qui ne pourra donc pas sentir grand-chose. De même, un vent fort est très handicapant, irritant les qualités olfactives des chiens.

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Crédit photo : Gilles DE VALICOURT

NEZ ACCOUTUMÉS

À l’inverse, des chaleurs écrasantes produisent les mêmes effets : les chiens paraissent perdus. Qui n’a vu, dans des chaleurs d’octobre, des chiens incapables de sentir des perdrix à quelques mètres d’eux ? Certes, des exceptions existent : certains scandinaves chassent les tétras dans la toundra avec des chiens capables de quêter et d’arrêter par des froids sibériens. Il est fort probable que par sélection et accoutumance, les chiens se sont adaptés.

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Crédit photo : Gilles DE VALICOURT

NEZ PERÇANT

Bref, en tenant compte des conditions idéales (vent, terrain, température acceptable…), à quelle distance un chien d’arrêt peut-il sentir une émanation, la remonter et arrêter le gibier ? Là encore, on ne peut émettre que des hypothèses. On peut lire ici et là des auteurs parler de distances entre 80 et 100 mètres, voire plus. Il faut faire attention aux termes, car trop de chasseurs confondent distance d’une prise d’émanation et distance d’arrêt. Pour du gibier, perdrix ou faisan qui n’a pas circulé, le meilleur des chiens pourra passer à 20 ou 30 mètres sans en avoir connaissance. À rebours, si les oiseaux ont bougé, le chien pourra prendre une émanation à 30 ou 40 mètres.

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Crédit photo : Gilles DE VALICOURT

AU PLUS PRÈS

Attention, cela ne signifie aucunement que lesdits oiseaux soient à cette distance parce que, bien souvent, ils ont piété pour échapper au chien ; ils sont peut-être à plus de 100 mètres devant lui. S’ils se lèvent alors que le chien est sur un faux arrêt (ou « place chaude »), ou qu’il ne les a pas bloqués, les observateurs peu avertis auront l’impression que ce même chien est capable d’arrêter à 150 mètres, alors qu’il avait remonté une émanation sur seulement 30 mètres, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. D’ailleurs, les dresseurs estiment que dans les pires conditions (de température, de vent…), un chien n’arrêtera qu’à un ou deux mètres et dans les meilleures à 10 ou 15 mètres. Tout le « jeu » est qu’il bloque le plus près possible les oiseaux sans les faire lever.

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À l’arrêt sur une bécasse.
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NEZ SENSIBLE

C’est tout le problème des chiens hyper conditionnés qui tombent en arrêt à la moindre émanation ; de peur de faire voler, le chien ne prend plus d’initiatives. C’est pour cela qu’il faut faire preuve de prudence, et se dire que ce n’est pas grave s’il fait voler de temps à autres. Le chien, s’il a une once d’intelligence, se corrigera de lui-même. L’expérience fera le reste. N’oublions pas que le chien d’arrêt reste un prédateur qui a intérêt à s’approcher au plus près du gibier, pour pouvoir l’attraper ! En tout état de cause, l’émanation n’a pas fini de livrer tous ses mystères.

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