En Haute-Normandie, la chasse au grand gibier dans la peau

En Haute-Normandie, la chasse au grand gibier dans la peau

En Haute-Normandie, aux confins des pays de Bray et de Caux, la forêt d’Eawy abrite sangliers, cerfs et chevreuils. AIR & NATURE s’est rendu dans un bois jouxtant ce célèbre massif seinomarin chassé une fois par mois par la famille et les amis de Jean-Claude.

UN ACCUEIL LES BRAS OUVERTS

En cette matinée plombée par un plafond nuageux très bas, le soleil, en se levant, nous adresse un furtif salut de quelques minutes, le temps de s’élever de l’horizon à la ligne des nuages. Cette aube jette sur l’assemblée de chasseurs réunis pour le « rond », une étrange lumière saumonée qui cède vite la place à un ciel gris cendré.

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Notre hôte Jean-Claude nous accueille littéralement les bras ouverts. Ici, la chasse se veut avant tout une affaire de famille et d’amitié, et, une fois par mois, ce dermatologue à la retraite convie ses proches, dont on sent très vite qu’ils ont tous la chasse dans la peau.

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UN ACCÈS DIFFICILE

Entre les traqueurs et les postés ce sont 30 à 40 personnes qui écoutent les consignes du jour, animaux au plan de chasse et règles de sécurité. Rapidement, tous s’organisent en convoi pour prendre la direction du territoire de chasse. Chemin faisant, le maître des lieux me présente le bois dont nous essayons de faire le tour en voiture, pendant que les chasseurs s’acheminent vers leurs postes.

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Mais, il nous faudra rebrousser chemin car les pluies abondantes des derniers jours ont « graissé » le terrain, qui, de surcroît très pentu par endroits, ne se laisse pas si facilement gravir. Ce bois d’une quarantaine d’hectares se situe en effet au faîte d’une colline qu’il recouvre en partie. Le relief est assez marqué ici et là. De dimensions modestes, il n’en accueille pas moins régulièrement des sangliers, mais aussi des grands cervidés.

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MAINTENIR LA TRANQUILITÉ DES BOIS

Nous espérons bien croiser aujourd’hui le chemin de ces derniers, car le plan de chasse est pour l’heure vierge. Il n’est pas simple, en effet, de chasser les cerfs sur des petites surfaces, et Jean-Claude insiste bien sur le fait qu’il est de la responsabilité des chasseurs de maintenir suffisamment de tranquillité dans les bois, pour fixer autant que possible les animaux, et être en mesure de réaliser le plan de chasse.

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MAINTENIR L’ÉQUILIBRE AGRO-SYLVO-CYNÉGÉTIQUE

Le forestier qu’il est aussi, insiste sur la nécessité de maintenir l’équilibre agro-sylvo-cynégétique. Ce qui impose, en dépit des réticences de certains, de tirer biches et faons dès que l’occasion se présente. Un chasseur responsable doit savoir se montrer très mesuré dans ses prélèvements quand l’espèce est fragile, mais doit, à l’inverse, assumer parfois de gros tableaux de chasse pour se dire pleinement écologiste.

Ces réflexions nous mènent au sommet du bois où nous rejoignons les traqueurs qui vont effectuer un rapproché pour tenter de diriger vers le centre d’éventuels grands animaux remisés dans une parcelle envahie de clématites.

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Soudain des cris, des aboiements, comme une électricité dans l’air trahissant un évènement ! Un cerf s’extrait de cette épaisse végétation sans que nous puissions estimer son trophée. Ceci a son importance car, même s’il importe de réaliser le plan de chasse, il ne faut pas pour autant faire n’importe quoi, et le territoire ne dispose cette année que d’un bracelet pour un cerf coiffé de catégorie CEM1. En français intelligible, cela signifie qu’il est seulement possible de tirer un cerf sans empaumure.

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UN CERF TROP GRAND

Justement, le cerf débuche dans un pré, passe devant un chasseur posté, mais aucun coup de carabine ne retentit. Il s’agissait d’un grand cerf qui n’était donc pas au plan de chasse. À l’issue du rapproché, nous rejoignons les traqueurs qui rassemblent leurs chiens, avant d’attaquer le bois principal.

La meute ainsi constituée est assez hétéroclite, mais, nous le verrons, très efficace. Denis et Dany sont les principaux rabatteurs de cette joyeuse assemblée, et la complicité avec leurs chiens crève les yeux, autant que ces derniers la ronce. Ce sont des braques allemands, drahthaars, springers, cockers et autres fox qui piaffent d’impatience à leurs pieds.

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DES TRACES TOUTES FRAÎCHES

La ligne de traque se met en mouvement dans une jeune plantation. Des traces toutes fraîches ponctuent notre parcours. Dans un vermillis, un ver de terre coupé en deux se recroqueville en de petites ondulations nerveuses qui témoignent de la présence de sangliers il y a très peu de temps. Sans doute les avons-nous dérangés en plein banquet.

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Pourtant, les chiens, bien qu’excités, ne lancent pas. Les suidés ont dû très rapidement vider les lieux, mais il est cependant surprenant que les auxiliaires canins n’empaument pas la voie.

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ENCORE UN CERF

C’est à nouveau un cerf qui viendra mettre de l’ambiance. Forçant en retour, à travers la ligne de traque, un autre grand coiffé nous gratifie du spectacle de sa puissance en traversant les halliers, en arrachant les ronces, la meute à ses trousses. Rapidement, celle-ci rebrousse chemin, et aucun coup de carabine ne retentit, attestant qu’une fois encore, le cerf était trop grand.

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Jean-Claude aimerait bien qu’un individu plus petit, une biche ou un faon se présente à l’un des chasseurs postés sur son mirador. En effet, ici, pour des raisons de sécurité qui ne peuvent de surcroît contribuer qu’à une plus grande efficacité, tous les chasseurs prennent de la hauteur grâce à des miradors de battue qui leur garantissent des tirs fichants. Ceci bien sûr, à la condition rappelée par notre directeur de chasse de n’effectuer que des tirs proches, soit tout au plus à une trentaine de mètres.

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LES CHEVREUILS POUR LES TRAQUEURS

Un chevreuil, en quelque bonds, franchit en retour la ligne de traque sans qu’il soit possible de le tirer. Afin de laisser aux traqueurs l’opportunité de tirer un gibier, Jean-Claude leur autorise le tir d’un ou deux chevreuils dans la traque, mais uniquement au plomb. Autorisée en Seine-Maritime, cette possibilité parfois décriée permet néanmoins de tuer proprement un chevreuil, à condition de s’appliquer et de ne pas tirer au-delà d’une vingtaine de mètres, avec un diamètre de grenaille adéquate.

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Les traqueurs n’ayant pas la possibilité de chasser la bécasse en cette période réservée uniquement aux chasses de régulations dérogatoires (nous sommes en plein confinement), ceux-ci ont quand même l’espoir de pouvoir inscrire une pièce à leur tableau.

UN CHASSÉ-CROISÉ BÉCASSE-CHEVREUIL

Justement, un chevreuil traverse un layon devant nous, suivi d’une bécasse qui vire sur l’aile en arrivant sur le poste d’un chasseur occupé à regarder le chevreuil se défiler dans la direction opposée, en un cocasse jeu de regards croisés. La traque se poursuit.

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Nous saluons en passant les carabines juchées sur leurs miradors qui nous renseignent sur leurs observations. Un cerf, peut-être tirable, a été vu, mais trop loin. Une compagnie de sangliers a été tirée, mais le relief nous a masqué les détonations. Après avoir gravi une pente très raide, les traqueurs se réunissent afin de se réaligner et de battre l’autre moitié du bois.

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UNE DÉTONATION !

Le temps passe mais, apparemment, il n’y a toujours pas la moindre pièce au tableau. Cette fois, nous percevons distinctement un « pan » dans le vallon sur notre droite. S’ensuit une frénésie d’aboiements qui nous laisse supposer un ferme, et peut-être un sanglier blessé. Les rabatteurs se précipitent pour retrouver dans un fatras de ronces un sanglier bien mort, mais retenu par l’épaisseur de la végétation il est debout sur ses appuis, les chiens prudents lui faisant face. Fort de ce constat, les traqueurs sonnent la mort.

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UN TIR HEUREUX

C’est un jeune chasseur qui a tiré ce sanglier d’une soixantaine de kilos, lui plaçant une balle fatale en plein coffre. L’annonce de ce tir heureux réchauffe le cœur des jeunes traqueurs qui, de plus belle, après avoir apposé le bracelet sur l’animal, repartent à l’assaut des ronciers.

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De l’un d’eux surgira à nouveau le cerf levé précédemment, ce qui témoigne de la tranquillité dont jouissent d’ordinaire les animaux qui vivent sur cette zone.

En dépit des efforts prodigués, aucun autre animal ne viendra étoffer le tableau d’une journée de chasse rondement menée. La chasse n’est pas une science exacte, et aucun résultat ne peut jamais être garanti. C’est cela qui fait son intérêt, malgré les obligations de résultats que l’augmentation des populations de grand gibier et ses conséquences nous imposent. Après le temps de la découpe et du partage de la venaison, c’est par un pique-nique que se conclue cette journée.

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