Chasse du pigeon entre Sologne et Pays-Fort
Nous voici sur les terres du Grand Meaulnes, en ce début d’hiver, attirés par les trainards de la migration. Et ils sont nombreux ces oiseaux hivernant dans ce secteur, aux confins de la Sologne, entre Cher et Loiret.
Le temps est gris pour ce début décembre, le vent d’est, trop léger, n’incite pas à la confiance. La hauteur de vol des pigeons est directement liée à la force du vent. Rasant les têtes de chêne lorsqu’il est puissant, les palombes peuvent aussi bien passer hors de portée lorsqu’Éole est endormi…
UN TERROIR RICHE
Bruno et moi avons traversé la Sologne pour venir jusque-là. Il est étonnant de passer aussi rapidement d’un secteur résineux, boisé de pins, bruyères et genets, sableux, pauvre et acide, à ce paysage du Pays-Fort : champs céréaliers entrecoupés de bouchures*, de bois de chênes, châtaigniers, où serpentent de petites rivières à truites ; les caprices du sol.
L’ATTRAIT DU MAÏS
Nous nous installons dans un chaume de maïs près d’un ancien moulin entre une haie de chênes et la ripisylve** proche. Bruno a déjà aménagé un affût camouflé dans une poignée de pieds de maïs conservés.
LES FORMES À FOND
Nous déployons une armée de formes pleines et coques anglaises en une virgule bien réfléchie ; l’idée est d’amener les pigeons à passer au plus près de l’affût pour se poser face au vent dans le creux de la virgule. Je rajoute deux formes de corvidés, afin de rassurer les plus méfiants, tandis que Bruno met en place deux pigeons aux ailes écartées, eux aussi face au vent.
AVEC UN CHIEN, C’EST POSSIBLE
Ma braque français Izzy nous accompagne et fera office de retriever, équipée d’un gilet camouflé pour masquer sa robe claire.
CHACUN SON TOUR
Une fois cagoules et gants enfilés, les fusils sortis et alimentés, nous nous organisons : chacun tirera à son tour, tout en pouvant redoubler derrière l’autre. C’est plus simple et plus sécuritaire que de tirer simultanément. Et ça lève le doute sur l’auteur du joli coup de fusil !
DU MOUVEMENT
De jolis vols circulent au loin, bien trop hauts pour être accrochés par le dispositif de leurres. Cependant, plusieurs isolés tombant de la cime des chênes nous surprennent en peu de temps. Les premiers oiseaux nous passent à portée, prêts à se poser. Certains sont habilement décrochés, d’autres non !
LES BATTUES DE GRAND GIBIER EN RENFORT
Quelques chasses au grand gibier débutent au loin, aux sonneries des trompes et récris de chiens. Cette animation nous est bien utile en faisant lever les pigeons perchés dans les forêts voisines. Ainsi dérangés, ils naviguent sans destination jusqu’à notre chaume accueillant qui leur tend les bras.
ABONDANCE DE COLOMBINS
Nous sommes surpris de la quantité de pigeons colombins observée. Il faut dire qu’ils semblent moins farouches que les ramiers et tombent sur nos formes comme des pierres. Mais, nous en remarquons également dans les vols de ramiers passant plus en altitude.
LE BRAQUE RETRIEVER
Les tirs se succèdent et alourdissent pour certains le porte-gibier. Cela donne l’occasion à Izzy de se dégourdir les pattes pour les rapports. Elle me sauve même un pigeon mal tombé à une centaine de mètres derrière la haie dans un colza épais. Une fois à bon vent, son nez haut la porte jusqu’à l’oiseau raide que j’aurais perdu avec certitude sans chien.
PAUSE CASSE-CROÛTE
Comme annoncé par Bruno, habitué au rythme d’activité des pigeons, les oiseaux se font plus rares en fin de matinée. Nous en profitons pour casser une croûte, fusils malgré tout prêt à faire feu.
ÇA REPART
Bruno m’annonce un regain vers 13/14h. Et c’est précisément à ce moment-là qu’une cinquantaine de pigeons se pose d’emblée dans la haie toute proche. À n’en pas douter, des habitués qui connaissent le garde-manger et n’ont pas besoin d’en faire cinq fois le tour ! Nous nous préparons à l’envol et arrivons à en tomber chacun un dans le fracas d’ailes.
TOUT A UNE FIN
Après cette apothéose, l’activité décline petit à petit. Il est maintenant 16h, le soleil disparaît dans une heure et demie ; les pigeons pensent désormais plus à trouver un dortoir accueillant qu’un endroit où casser une graine. Nous ramassons nos douilles, le matériel et rangeons les formes.
Le tableau d’une petite vingtaine de pigeons régalera deux familles après avoir comblé deux nemrods passionnés dans une journée qu’ils n’auront pas vu passer.
* Bouchure : haie vive et champêtre composée d’essences feuillues, qui servait de clôture végétale naturelle et empêchait le bétail de vagabonder. Terme local.
** Ripisylve : forêt riveraine d’un cours d’eau.