Calibre 10, à quoi bon ?
Aux États-Unis, le calibre 10 était employé pour sa forte puissance afin de protéger les diligences des bandits. Il y est aujourd’hui utilisé sur les oies et dindons sauvages avec des fusils semi-automatiques. En France, certains l’ont adopté pour les pigeons, mais surtout les canards et les oies à la hutte sur les grands plans d’eau.
Le calibre 10 est un calibre de chasse plutôt confidentiel, un peu tombé dans l’oubli alors qu’à une époque, il faisait partie de la panoplie de base du chasseur français. Il est aujourd’hui souvent réservé aux chasseurs de gibier d’eau au posé – hutte, gabion ou tonne – lorsque le poids de l’arme de plus ou moins 4 kg n’est pas un problème.
Le calibre 10 est chargé en grenaille d’acier, de cuivre ou de tungstène pour la chasse du gibier d’eau, mais aussi en grenaille de plombs pour le tir des palombes au posé sur les chênes, à longue portée.
En calibre 10, le diamètre intérieur des canons est de 19,7 mm, et l’arme peut expédier une charge de 28 grammes au minimum, et 84 grammes au maximum. En comparaison, le diamètre intérieur du calibre 12 n’est que de 18,5 mm et expédie entre 21 et 63 grammes. La différence est importante ; le calibre 10 est donc un calibre puissant. Il existe toujours et continue d’être produit, fusils comme cartouches.
LES CALIBRES 10 AMÉRICAINS…
Aux États-Unis, on trouve par exemple en neuf, le semi-automatique BROWNING Gold en version « Mossy Oak Shadow Grass Habitat », vendu en calibre 10 sur le site de BROWNING USA. Il n’est malheureusement plus distribué en Europe, mais on peut en trouver d’occasion. Ce fusil est destiné à la chasse des canards, des dindons sauvages et au tir au vol des oies lorsqu’elles descendent se nourrir dans les grandes prairies d’outre-Atlantique, alors que les chasseurs sont cachés dans des « cercueils ». C’est un fusil de 4,2 kg qui permet de tirer loin sans blesser. Eprouvé billes d’acier, le canon Back Bored associé au système à emprunt des gaz permet de tirer des cartouches chargées de plus de 60 grammes de grenaille sans trop reculer.
Avec l’obligation de tirer de l’acier, le calibre 10 a retrouvé ses lettres de noblesse aux USA par rapport au 12/89, notamment pour chasser les lourdes bernaches du Canada. Pour palier la légèreté de l’acier, il faut compenser par beaucoup de grosses billes afin que leur vitesse atteigne les 500 m/s. Le calibre 12/89 permet d’égaler en volume le calibre 10, mais la vitesse des billes a du mal à dépasser les 400 m/s, avec pour conséquence des résultats médiocres pour les tirs à 50 mètres.
… ET CEUX DISPONIBLES EN FRANCE
En France on trouve en revanche :
- Des fusils de la Manufacture de Saint-Étienne comme l’élégant Idéal MANUFRANCE en canon de 81 cm chambré en 76 mm. C’est un fusil très maniable et assez léger (3,2 kg) pour un calibre 10. Il permet de chasser en toutes circonstance et tirer au vol comme au posé ; certains utilise ce fusil de légende avec succès en le chargeant de cartouches de 45 g de plombs lancés à 500 m/s.
L’effet vitesse permet de « sécher » tout gibier à plus de 50 mètres !
Il existe également en occasion quelques excellents Simplex MANUFRANCE cal. 10 en mono canon de 81 cm, une arme puissante utilisée de tout temps dans les tonnes et huttes françaises les plus exigües.
- On trouve aussi quelques juxtaposés ZABALA en calibre 10/89 à canons de 81 cm, non parallèles avec des détentes « simple effet ». Ce ne sont donc pas des fusils dit « canardières », dont la détente est toujours à « double effet » afin de tirer deux cartouches simultanément.
- La société russe BAIKAL a fabriqué des canardières juxtaposées de calibre 10, ainsi que le russe TOZ, dans les années 1970, avec des armes KS-23 chambrées en calibre 10, officiellement désignée par l’armée russe comme une carabine car son canon était rayé. KS signifie « Karabin Spetsialniy » que l’on traduit par « carabine spéciale ». C’est un fusil célèbre pour ses gros calibres, tirant des munitions de calibre 10, mais aussi de calibre 8 et 4, ce qui en faisait le fusil de plus gros calibre utilisé.
DÉFENSEUR DE DILIGENCES !
Le COLT coach gun 1878 (l’arme du cocher) a vu le jour à la toute fin des années 1870 dans les usines de COLT. COLT récupéra les brevets de différents fabricants d’armes de chasse (WINCHESTER, WHITMORE, REMINGTON…) et le transforma en une pure arme de défense. L’arme était disponible en calibre 10. La production fut lancée en 1878 et s’acheva en 1889 pour un total d’un peu moins de 23 000 pièces avec des canons de 45 à 86 cm. Dans les années 1889 à 1900, des Coach Gun de calibre 10 étaient employés par l’entreprise de Diligence WELLS FARGO. Le Coach devait mener les chevaux et défendre à lui seul l’équipage contre les indiens et bandits qui cherchaient des proies faciles. Il était ainsi considéré comme calibre de défense aux États-Unis avant 1920.
Ainsi, Doc Holliday, dentiste de son état, mais surtout joueur de poker et criminel réputé, utilisait un fusil juxtaposé belge de calibre 10 à chiens avec crosse et canons sciés.
QUELLE UTILISATION À LA CHASSE ?
Le calibre 10, on l’a compris de forte puissance, est aujourd’hui utilisé en France dans les huttes sur les grandes bandes de canards et dans certaines palombières lorsque beaucoup de pigeons se posent au même endroit dans les chênes. Pour certains, le calibre 10 n’est pas toujours nécessaire. Pour les tirs à longue distance, il peut être avantageusement remplacé par un calibre 12 magnum chargé de tungstène ou de cuivre doux, mais malheureusement très onéreux. En revanche, on est obligé de reconnaître que la gerbe est plus large et mieux fournie, car environ 20 grammes de grenaille sont expédiés en sus du calibre 12. En conséquence, sur une pose de 10/15 sarcelles à 40 mètres, le calibre 10 tue forcément davantage d’oiseaux. L’idéal serait des cartouches de calibre 10 chargées de grenaille dense comme le tungstène super 15, mais à 66 000 € la tonne, la cartouche deviendrait inabordable !
EXCELLENTES CARTOUCHES AMÉRICAINES
Les cartouches de calibre 10 tirées en France étaient habituellement produites aux États-Unis. Depuis longtemps, les encartoucheurs FEDERAL, WINCHESTER et REMINGTON maîtrisent ce calibre et le chargent avec excellence. Les vitesses et pressions sont souvent non conformes pour le Banc National d’Épreuve de Saint-Étienne, mais malgré tout validées par la CIP (Commission Internationale Permanente), ce qui leur permet d’être importées en France. Leur efficacité est sans appel.
Les grains sont associés à une fine poudre de matériaux composites (buffer), évitant les déformations dans le canon et permettant davantage de concentration des gerbes. Idéale pour tirer très loin !
Depuis trois ans, FEDERAL et WINCHESTER ne réussissent plus à produire suffisamment pour le continent américain et REMINGTON, très en difficulté, ne fabrique plus. FEDERAL s’est alors engagé à racheter la division « munition » de REMINGTON, mais en attendant la relance de la production, cet énorme encartoucheur crée un vide outre-Atlantique. En conséquence, depuis le Covid, la production américaine est en panne pour ses propres besoins et les importations en France sont complètement stoppées.
ET LES CARTOUCHES FRANÇAISES ?
Fort de ce manque, la demande française en calibre 10 s’est reportée sur les encartoucheurs nationaux. C’est le fabriquant français FOB, sous la direction de Jean-Charles MATHÉ, qui le premier s’est équipé d’une machine onéreuse (40.000 €) afin de charger le calibre 10 comme les Américains. FOB a pu lancer les « Sweet Copper calibre 10 cuivre doux » et des « Longue portée calibre 10 plomb ».
Dans son sillon, TUNET a suivi avec les calibres 10 plomb nickelé et calibre 10 acier.
Quant à JOCKER, il propose l’Authentique de calibre 10 chambrée 76 mm. Elle est chargée avec 60 g ou 70 g de plombs n°2, et une bourre grasse pour environ 28 € la boîte de 10.
Plus puissant que le calibre 12, disposant d’une plus lourde charge, le calibre 10 mériterait de retrouver toute sa place dans le râtelier des chasseurs à la hutte français.
