Un chien d’arrêt peut-il être polyvalent ?

Un chien d’arrêt peut-il être polyvalent ?
Crédit photo : Gilles DE VALICOURT

Quêter, arrêter, rapporter… un chien d’arrêt peut-il tout faire ? En réalité, la polyvalence d’un chien n’a pas le même sens que l’on soit en France, en Allemagne ou en Angleterre. C’est aussi plus une affaire de critères d’élevage qu’une question d’utilisation pratique.

QUI TROP EMBRASSE, MAL ÉTREINT ?

C’est une question qui taraude les chasseurs depuis que les races de chiens ont été dûment sélectionnées et améliorées, c’est-à-dire au fond depuis plus d’un siècle : les chiens d’arrêt (le cas des chiens courants est à mettre à part) sont-ils ou non polyvalents ? Le chien parfait existe-t-il, capable d’arrêter comme un roc tout gibier, de quêter admirablement, de rapporter de manière exemplaire… Bref, de « tout faire ». Poser cette question n’a rien d’une obscénité.

Un chien d’arrêt peut-il être polyvalent : photo 2
L’épagneul breton est le chien d’arrêt français par excellence, naturellement doué pour le rapport, rien ne garantit pourtant qu’il y excelle.
Crédit photo : Gilles DE VALICOURT

Par le terme polyvalence, il faut entendre « quelque chose ou quelqu’un capable d’exécuter différentes tâches, différentes fonctions » (Le Petit Robert). C’est en fait une arme à double tranchant car un chien capable en théorie de tout faire, risque fort d’être médiocre partout. Plus encore, cette notion de polyvalence à laquelle semblent être attachés nombre de chasseurs français tient à l’histoire même de la chasse française et européenne, et n’a pas la même signification partout, ou du moins pas la même exigence.

UNE QUESTION DE CULTURE

Au XIXème siècle, lorsqu’on lit Elzéar BLAZE ou D’HOUDEDOT, une évidence saute aux yeux : pour le petit gibier (à leur époque, le retriever n’existait pas, et le cocker n’en était qu’à ses balbutiements, du moins en France), un chien devait, en effet, quasiment tout faire sans spécialisation définie. En France, faut-il rappeler que, jusqu’au XIXème siècle, la vénerie a tous les égards, c’est le modèle absolu de perfection cynégétique, avec pour corollaire, un développement et une spécialisation considérables des chiens courants. À rebours, pour le petit gibier, le chien d’arrêt n’était dévolu qu’à la chasse au vol et à tir, à la billebaude. On chassait avec des chiens mal définis, de vieilles races de braques, des griffons, des épagneuls (français, picards, puis plus tard bretons).

Un chien d’arrêt peut-il être polyvalent : photo 3
Chiens britanniques, les pointers ont été sélectionnés strictement pour arrêter et rien d’autre.
Le braque d’Auvergne, en revanche, école française oblige, se devait d’être plus polyvalent.
Crédit photo : Gilles DE VALICOURT

À l’Est, la conception de la chasse est tout autre. En Allemagne, et dans tout l’empire austro-hongrois, un chien d’arrêt doit être capable de tout faire, notamment de broussailler, de lancer le grand gibier, de mener à voix, d’effectuer une recherche au sang, d’étrangler des fauves (renards, mustélidés…) et de défendre son maître. À l’opposé, la vision anglaise se traduit par une division extrêmement poussée des tâches : aux chiens d’arrêt d’arrêter, mais jamais de rapporter, travail confié aux retrievers.

À LA FIN, CE SONT LES ALLEMANDS QUI GAGNENT

Qu’en est-il aujourd’hui ? Les Allemands sont restés fidèles à leur philosophie, à telle enseigne que certaines de leurs races, comme le braque, se sont implantés outre-manche, alliant les qualités des chiens britanniques (vitesse, nez…) et les leurs (notamment le rapport). En France, ce n’est pas sans raison si le münsterlander est un chien au succès croissant, car il recèle une vraie polyvalence.

Un chien d’arrêt peut-il être polyvalent : photo 4
Parfaite illustration de l’école allemande avec ce petit münsterlander parfaitement dressé à la recherche au sang, en plus de ses qualités de chien d’arrêt.
Crédit photo : Gilles DE VALICOURT

Qu’on ne s’y méprenne pas toutefois, la polyvalence a ses limites. En effet, personne ne peut contester que le meilleur des chiens dits polyvalents aura du mal à rivaliser avec un setter, dès qu’il s’agit de grande quête dans les grandes plaines, avec un rouge de Bavière pour une recherche au sang délicate, ou encore avec un labrador pour un rapport difficile. C’est exactement la même chose en athlétisme entre un décathlonien et un coureur de 100 mètres. Dans leur spécialité, ils seront les plus forts, mais seront dominés pour remplir d’autres fonctions.

LE CHIEN COUTEAU SUISSE N’EXISTE PAS

On peut faire faire beaucoup de choses à un chien, à force de dressage et de travail, mais rien ne vaudra telle ou telle race pour telle ou telle chasse. Qu’on ne s’y trompe pas, la polyvalence constitue plus un critère d’élevage et de sélection qu’un mode d’utilisation pratique. En effet, quasiment aucun chasseur ne va utiliser toutes les aptitudes d’un chien dit polyvalent.

Un chien d’arrêt peut-il être polyvalent : photo 5
Il faut bien déterminer ce que l’on souhaite faire faire à son chien, au risque de le noyer dans des exercices souvent trop différents.
Crédit photo : Gilles DE VALICOURT

Il arrêtera, quêtera, rapportera mais ne fera, par exemple, jamais de recherche au sang ! Bref, un chasseur doit choisir son chien en toute connaissance de cause, en ayant à l’esprit que le chien parfait n’existe pas. Il devra trancher en fonction de ses besoins et de ses goûts.