Un brocard à perruque qui décoiffe

Un brocard à perruque qui décoiffe

Après le brocard noir, Gérald SOLIGNY, notre photographe animalier nous fait découvrir un autre brocard incroyable. Cette fois, ce n’est pas sa robe qui est atypique, mais son trophée. Certains chasseurs traverseraient le monde ou du moins l’Europe pour rencontrer le très rare brocard à perruque et sa coiffe digne de Louis XIV !

Le chevreuil, habitant pourtant si commun de nos campagnes, fascine et entraine dans son sillage un grand nombre de passionnés, qu’ils soient chasseurs ou photographes, quelquefois les deux.
« Au cœur de mon Berry natal, j’ai fait mes premières armes de photographe en affûtant le petit cervidé qui, par sa vivacité, sa territorialité, sa beauté et son élégance se révèle être un sujet passionnant. »

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UN DÉFI PHOTOGRAPHIQUE ET CYNÉGÉTIQUE

Ses comportements spectaculaires, courses poursuites, marquages de territoire, aboiements, font du chevreuil un sujet dynamique. Mais le brocard possède un autre atout qui provoque cette fascination, voire l’addiction. D’une année sur l’autre, il nous surprend en nous offrant une nouvelle tête, pouvant être totalement différente de la précédente. De la plus symétrique et classique, à la plus extravagante et « bizarde », les nouveaux trophées révèlent souvent de belles surprises et de nouveaux défis photographiques… ou cynégétiques.

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RARE BROCARD DU CHER

C’est au début de l’été 2021, sur un domaine de Sologne, dans le Cher, que j’ai eu l’opportunité de suivre et photographier un brocard à perruque. La quête n’est pas simple, et il me faut trois jours pour le localiser. Une fois rembuché, de nombreux affûts sont nécessaires, car il semble bien timide et très méfiant, il ne quitte son bosquet que pour manger dans une culture à gibier, n’y restant que quelques minutes, avant de rentrer à couvert à vive allure sans pour autant m’avoir détecté. Les affûts s’enchaînent et j’ai plusieurs fois l’occasion de faire des images.

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EXCLU DE LA REPRODUCTION

Le rut facilitant bien souvent l’observation des grands et vieux brocards, il n’aura aucune incidence sur le sujet qui nous intéresse puisqu’il ne participe pas à la reproduction. Comme l’explique le Docteur Alain FRANÇOIS dans son ouvrage « Les têtes bizardes du chevreuil » devenu ouvrage de référence pour tous les passionnés de l’espèce : « Sans exception, le développement de perruque est toujours lié à une atrophie testiculaire, qui entraîne une déficience permanente des hormones mâles, provoquant le développement anarchique, sous velours, d’une masse osseuse plus ou moins importante, qui cause l’arrêt complet du cycle annuel des bois ». Autrement dit, les bois de ces brocards ne tombent plus et ne font que se développer.

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UNE ATROPHIE TESTICULAIRE

« L’atrophie testiculaire est en général d’origine infectieuse, virale ou bactérienne. Une cause traumatique a déjà été signalée et prouvée, mais les circonstances étaient toujours exceptionnelles ».
Alain FRANÇOIS précise également que dans quelques massifs, aux biotopes différents, des cas nombreux et récurrents de brocards à perruque ont été signalés. Les mâles étant inaptes à la reproduction, la probabilité d’une origine congénitale transmise par les chevrettes est fortement soupçonnée. Ces observations de terrain semblent corroborer cette hypothèse, car les jeunes brocards portant une perruque sont toujours retrouvés dans les mêmes secteurs, avec les mêmes chevrettes d’une année sur l’autre. La disparition de la chevrette stoppant le phénomène. Dans le cas de notre brocard, l’examen des testicules confirme une atrophie importante des deux organes.

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DANS TOUTES LES RÉGIONS

Les brocards à perruque sont rares et leur présence est en général unique sur un territoire donné. (Sauf cas extrêmement rares évoqués ci-dessus). Des cas sporadiques ont été signalés dans toutes les régions et dans tous les biotopes, écartant ainsi tout lien avec la nourriture ou une quelconque notion de terroir.

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TOURMENTÉ PAR LES INSECTES

Notre perruque berrichonne est assaillie d’insectes de toutes sortes, et n’a de cesse de secouer la tête, et de faire des cabrioles pour tenter de s’en débarrasser, mais en vain. Il reste peu à découvert et regagne toujours le bois au trot, voire au galop comme pour échapper à cette nuée de parasites. Les insectes sont bien souvent la cause de la mort des brocards portant cette étrange coiffe, car en pondant dans l’amas de velours, le plus souvent au niveau des meules et des pivots, ils entraînent le développement de larves et d’asticots qui, à terme, provoqueront une ostéite secondaire de l’os frontal avec atteinte neurologique par méningite ou encéphalite infectieuse fatale. Il est difficile de dire quand, mais cette issue est inéluctable.

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TIRÉ À L’APPROCHE

Notre brocard à perruque, ne terminera pas ses jours dans un fossé, ou à pourrir au cœur d’un roncier rongé par les asticots et tué par l’infection, il sera chassé à l’approche par le propriétaire des lieux et son garde, qui savoureront le caractère exceptionnel de pouvoir chasser un tel animal. C’est au cours d’une soirée d’août qu’il sera tiré, à seulement quelques centaines de mètres du domaine où il avait ses habitudes.

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