Quel avenir pour la vénerie du cerf en zone périurbaine ?

Quel avenir pour la vénerie du cerf en zone périurbaine ?
Crédit photo : Jacqueline GERVAUX

Ces dernières années, le courre du cerf s’est retrouvé à plusieurs reprises sous le feu des projecteurs médiatiques, et ce presque toujours pour le pire.

En cause, ce que d’aucuns qualifient ‘‘d’incidents’’ : animal réfugié dans quelque jardin d’habitation, par exemple, ou dans d’autres lieux tout aussi incongrus – songeons à ce cerf qui, le 12 janvier dernier, avait erré, sur ses fins, dans l’enceinte du parking de la gare de Chantilly, puis sur les rails, perturbant ainsi le trafic ferroviaire et provoquant, au sein de l’opinion publique, une vive émotion et une non moins vive polémique.

DES INCIDENTS SYSTÉMATIQUEMENT INSTRUMENTALISÉS

Filmés, diffusés abondamment sur les réseaux sociaux, ces ‘‘incidents’’ ont systématiquement fait l’objet d’instrumentalisations éhontées de la part des détracteurs de la vénerie, au premier chef d’AVA – mais pas uniquement –, et c’est à telle enseigne qu’il est aujourd’hui permis, semble-t-il, de s’interroger sur l’opportunité de continuer à courir le cerf à proximité des zones dites périurbaines, soit des zones qui, progressivement, ont vu apparaître en leur sein des lotissements ou de petites villes, là où il n’y avait auparavant que forêts ou presque.

En effet, et les veneurs le savent, certains cerfs chassés fuient instinctivement vers des secteurs qui jadis étaient vides d’hommes, suivant de la sorte un atavisme profondément ancré en eux, et hérité de leurs aïeux lorsqu’ils subissaient des attaques de prédateurs.

LES CERFS FUIENT EN EMPRUNTANT DES ITINÉRAIRES IMMUABLES

Ainsi, serait-il sans doute pertinent de déterminer clairement, et dès à présent, les limites au-delà desquelles il ne puisse plus être licite de courir le cerf aux alentours de telles zones, en oubliant jamais que tout incident lié à ce contexte, même lorsque la stricte légalité de l’acte de chasse est respectée, offre une occasion de plus aux abolitionistes de réclamer l’interdiction de l’ensemble de cette pratique cynégétique. Ajoutons que cela concerne principalement les massifs du Bassin parisien : Rambouillet, Fontainebleau, Chantilly. Naturellement, il s’agit là d’un sujet délicat, et c’est précisément la raison pour laquelle il revient aux veneurs de le traiter eux-mêmes – dans la mesure où il n’est pas déraisonnable d’imaginer qu’à défaut le législateur finisse par s’en emparer pour, notamment sous la pression des antis, prendre des mesures plus radicales, plus contraignantes, d’autant plus douloureuses pour les chasseurs qu’elles proviendraient, cette fois, des autorités.

IL REVIENT AUX VENEURS DE TRAITER CE SUJET

Serait-ce ainsi, pour ces derniers, une manière d’aveu d’échec, que de devancer ce qui paraît hélas inéluctable ? Comment le croire ? Reconnaître qu’il y a un principe de réalité et certaines exigences commandées par l’évolution des mentalités, voilà qui serait plutôt à porter au crédit des veneurs. Car le risque encouru, qui devient saison après saison plus perceptible, c’est que le patient travail de communication assuré notamment par la Société de vénerie se trouve discrédité ou, en tout cas, attaqué dans ses fondements, et donc dans son efficacité. Rappelons à toutes fins utiles qu’on a longtemps chassé à courre en forêt de Marly, forêt traversée de part en part depuis les années 1930-40 par l’A13… En outre, il convient de préciser qu’en France seuls 37 équipages sont créancés sur le cerf, contre 120 pour le lièvre par exemple, soit respectivement 9 et 33% des 390 existants, tous gibiers confondus, mais que, dans l’imaginaire contemporain, le cerf jouit d’une très forte valeur symbolique et affective.

Vénerie du cerf en zone périurbaine : photo 2
La meute de plus de 200 poitevins est tout simplement exceptionnelle.

SEULEMENT 9% DES ÉQUIPAGES COURENT LE CERF

Or, cette dimension est aussi un élément central du débat, pour la simple raison qu’il est aisé d’en faire le support d’une puissante charge émotionnelle : cynégète ou non, l’halali du cerf ne laisse absolument personne indifférent. Aussi est-il particulièrement facile pour les opposants à la chasse à courre d’emporter l’adhésion des indécis au moyen d’une vidéo aux séquences choisies, et quelque peu mises en scène, quand l’occasion s’en présente. Enfin, gardons en tête – et cela est vrai de la chasse en général – que les détracteurs de la vénerie ne se contentent pas de remettre en cause la légalité du courre, à commencer par celui du cerf, mais sa légitimité. Peu leur importe la loi positive : c’est de l’opinion qu’ils souhaitent obtenir le suffrage, car l’opinion constitue, sous nos latitudes, la voie vers le politique.

Vénerie du cerf en zone périurbaine : photo 3
Confronté à une défiance de plus en plus forte de l’opinion, il appartient aux veneurs de prendre des mesures de discrétion, voire même de consentir à ne plus découpler dans certaines zones.
Crédit photo : J.M CAILLAUD

LE PHÉNOMÈNE D’URBANISATION EST UN FAIT REGRETTABLE MAIS INCONTESTABLE

Par conséquent, si l’on veut autant que faire se peut maintenir cette légitimité qui est au cœur du sujet, il semble bien difficile de ne pas se prononcer en faveur d’une restriction volontaire du courre du cerf là où l’urbanisation – même si on peut regretter amèrement ce phénomène – est devenue trop dense, trop importante, et surtout incontestable. Prêter le flanc ou détourner le regard ne sont – et ne seront – visiblement pas des solutions sur le moyen ou long terme…