Love story en Croatie

Love story en Croatie

Le début de l’automne rime de façon incontournable avec le brame du cerf. Cri d’amour pour l’animal, instants d’émotion sauvage pour le chasseur ou l’observateur, le rut du cervidé commence plus tôt à l’est que dans l’Hexagone. Expérience croate, le long de ce fleuve majestueux qu’est le Danube.

Ils sont cinq, venus de toute la France. Tous, sans exception, sont des spécialistes de l’approche des grands cervidés, et comptent plus d’une expérience à leur actif. Pourtant, dès lors qu’ils évoquent les jours à venir, ces aguerris chasseurs s’enflamment aussitôt. Et pour cause… la Slavonie, province croate située au nord-est du pays, en limite de la Serbie, est réputée abriter des sujets portant des ramures parmi les plus impressionnantes qui soient. Le cerf d’une vie, qui sait ? Aussi, nos compatriotes sont-ils plus qu’attentifs lorsque Zoran, responsable de la zone, nous décline son discours de bienvenue.

« Du fait de sa tranquillité, de son biotope, mais aussi de sa gestion qui fait office d’exemple dans tout le pays, ce territoire de 30 000 hectares est un lieu privilégié pour la chasse du cerf. La densité en ongulés y est très importante, et les grands trophées relativement nombreux. Chaque année, nous prélevons des médailles d’or de plus de 220, voire 230 points CIC (NDRL : unité de cotation des trophées de chasse). En ce début septembre, le brame n’en est qu’à ses prémices. Les approches ne seront pas des plus faciles, mais la chasse n’en sera que plus exaltante. Rassurez-vous, les occasions seront multiples. Pas de précipitation, donc. Toutefois, sachez prendre ce que la nature vous offre quand l’aubaine se présente… Tous nos guides, sans exception, connaissent parfaitement les secteurs qui leur sont attribués, tout comme les animaux qu’ils hébergent. Faîtes-leur confiance, et votre chasse sera couronnée de succès. »

Love story en Croatie : photo 2
L’une des caractéristiques de la destination est la quasi-certitude de rencontrer des trophées « médaillables ».

Inutile de préciser qu’un tel optimisme ne peut qu’enchanter les membres du groupe. Un enthousiasme qui monte d’un cran, lorsqu’un peu plus tard, nos chasseurs découvrent les somptueux trophées prélevés, quelques jours plus tôt, par leurs homologues tchèques. L’adage semble se confirmer, plus on va vers l’est, plus le panache de l’animal est imposant… Réputée tant pour le sérieux de son organisation, que pour la qualité de ses cervidés, cette zone, gérée par les Eaux et Forêts croates, fait tirer chaque année une soixantaine de ces grands vieux cerfs. Ici, le chasseur a libre choix du trophée qu’il souhaite récolter en fonction de ses desiderata et bien évidemment de son budget. Mais, d’aucune façon, il n’est autorisé à prélever un sujet qui ne serait pas arrivé à maturité, exception faite d’une éventuelle tête bizarde.

Love story en Croatie : photo 3
Aucun cerf ne saurait être tiré avant d’avoir atteint sa maturité, à l’exception d’une éventuelle tête bizarde, comme le troisième cerf sur cette photo, qui arbore un merrain quasiment sans andouiller.

Après une matinée consacrée à l’observation et à la découverte du territoire, nous décidons, en cette seconde partie de journée, d’accompagner Stanislas, chasseur normand venu partager cette quête d’émotions en compagnie de quelques amis. Il est 16 heures tapantes lorsque Zlatan, notre guide, nous convie à monter à bord de son 4×4. Pendant quelques minutes, nous roulons à allure modérée sur cette digue rectiligne qui, sur 40 km, fait office de barrage artificiel aux crues hivernales du Danube. Tout juste descendu du véhicule, le conducteur dévale la pente abrupte et nous entraine à sa suite. Notre marche soutenue est rapidement interrompue par l’un des multiples bras du fleuve.

Love story en Croatie : photo 4
En bordure de l’un des nombreux bras du Danube, il faut parfois emprunter une barque pour poursuivre la chasse.

Larguant un frêle esquif amarré au pied d’un saule séculaire, notre cicérone nous fait signe d’embarquer. C’est au gré des flots, empreints de mystérieuses légendes, que nous entamons cette surprenante partie de chasse. A peine avons-nous accosté sur l’autre rive, que Zlatan nous conduit déjà vers un mirador dominant une longue coulée entre bois et roselière. Malgré l’heure encore précoce, l’ordre nous est donné de grimper en haut de cette tour de garde. Devant notre étonnement, le croate nous explique, à force de gestes, qu’il n’a nullement l’intention d’affûter. Il souhaite simplement, l’espace de quelques minutes, écouter la faune s’éveiller. Assis à plus de quatre mètres de hauteur, nous dressons nos sens aux aguets. Un absolu silence règne pour l’heure aux alentours. Tandis qu’une laie, avec quelques bêtes rousses, traverse tranquillement à quelques dizaines de mètres de notre plateforme, une voix caverneuse vient subitement troubler la quiétude des lieux. Dans les secondes qui suivent une autre lui fait écho.

Love story en Croatie : photo 5
Lors du brame, l’approche est une chasse d’observation et, bien sûr, d’écoute.

UN SANGLIER HÉSITE ENTRE LES POSTES

Un dialogue guttural entre les deux rivaux s’installe, avant que deux autres protagonistes ne prennent part au discours. Peu à peu, la forêt devient le théâtre d’un retentissant concert. Immobile, Zlatan écoute avec la plus grande attention ces cris de défiance, et tente ainsi de juger les différents animaux. L’intensité et la gravité des raires (NDLR : cris du cerf), sont autant d’éléments qui permettent d’identifier, ou non, un spécimen déjà connu. Vérifiant une dernière fois les vents à l’aide de son briquet, l’expérimenté guide décide de nous entrainer vers un cerf réant à quelque 400 mètres au sud, et qui pourrait correspondre aux attentes de Stanislas.

Love story en Croatie : photo 6
Afin de ne pas se faire éventer, il est parfois nécessaire de sortir des sentiers, mais gare aux crissements des brindilles.

Afin de se jouer d’Éole et d’approcher au plus près le gibier convoité, notre progression va devoir se faire, non pas sur l’un des nombreux chemins qui jalonnent le secteur, mais au cœur même des bois. Chaque pas est un piège, la sécheresse d’un été caniculaire ayant provoqué la chute de nombreuses brindilles dont les craquements pourraient, à tout instant, révéler notre présence. À tâtons, nous progressons au cœur de cette forêt primaire, enjambant les chablis, volontairement abandonnés dans le but de juguler partiellement les débordements du fleuve. Nous mettons ainsi près de 40 minutes pour nous retrouver à proximité du traqué. Ce dernier reste toutefois invisible, abrité par l’épais rideau végétal. Accroupis, jumelles rivées aux yeux, guide et chasseur tentent malgré tout de repérer leur proie. Il faudra toute l’expérience et la pugnacité de Zlatan, pour découvrir enfin les pointes effilées se balançant de gauche à droite au-dessus des ronces. Impossible cependant de juger l’ongulé qui, pour l’instant, reste couché.

Love story en Croatie : photo 7
En forêt ou dans les zones humides, l’épaisseur de la végétation en cette fin d’été ne rend pas aisée l’observation quand bien même un cerf bramerait à quelques mètres.

Nous sommes si proches que le parfum musqué émanant de la bête en rut en est presque entêtant. Durant de longues minutes, nous allons attendre que le cerf daigne se lever. En vain. Tentant le tout pour le tout, notre accompagnateur porte à la bouche une étrange coquille de strombe afin d’imiter le cri d’un adversaire prêt à en découdre. Mais rien n’y fait. Pire encore, les raires du grand mâle cessent à jamais. À aucun moment, pourtant, nous n’apercevons la rousse silhouette. Tel un fantôme, le cerf espéré s’est évanoui.

Love story en Croatie : photo 8
C’est à l’aide d’une coquille de strombe, ne venant assurément pas de ces forêts, que le guide tente d’imiter le raire, pour attirer le cerf.

La décision est aussitôt prise de nous retirer sur la pointe des pieds afin de ne pas donner l’alerte. Objectif, repérer rapidement un autre cervidé, avant que le jour ne commence à décliner. Aux abords d’une longue allée forestière, Zlatan s’immobilise subitement. Au bout de celle-ci, à près de 500 m, se détache un point marron qui attire aussitôt notre attention. Tandis que nous nous saisissons des optiques, une voix rocailleuse vient définitivement lever le doute sur la nature de l’intrus. Difficile pour autant d’approcher à découvert, même si une légère brise joue en notre faveur. Nous faisons une nouvelle fois le choix d’utiliser le couvert du sous-bois, avec tous les risques que comportent ses nombreuses chausse-trappes. Seul le hoquet rauque de l’élaphe guide nos pas parmi le dense imbroglio végétal. Malgré notre prudence, nous ne pouvons éviter une compagnie de sangliers, baugés au cœur d’un roncier, et qui s’enfuit avec perte et fracas. Espérons qu’un tel vacarme n’est pas ameuté le roi de la forêt…

Love story en Croatie : photo 9
Souvent, biches et faons sortent ostensiblement à découvert, alors que le grand cerf tout proche, reste masqué par les frondaisons.

Que nenni, la voix se fait de plus en plus sonore au fur et à mesure de notre avancée. Après un temps qui nous semble interminable, la lueur du jour perce peu à peu le feuillage. C’est avec la plus infime précaution que nous nous rapprochons de la bordure, avant de sortir sur le sentier. Nous découvrons aussitôt que le pourchassé s’est déplacé, pour trôner désormais au cœur de la place de brame par laquelle, deux heures plus tôt, nous avons entamé nos observations. Obliquant sur la droite, nous décidons de longer la lisière pour approcher au plus près notre proie. À quelque 200 mètres, quatre biches viandent paisiblement, n’ayant cure, pour l’heure, des cris incessants du maître du harem. Derrière elles, l’animal convoité se trouve partiellement masqué par le seul arbre s’élevant au milieu de la prairie. Stanislas déplie le trépied, s’en servant d’appui pour les jumelles. Dieu sait combien dure l’attente, elle semble tout juste insupportable. Petit à petit, le fier « seize » se décale nous laissant une chance de le juger.

Love story en Croatie : photo 10
Des rencontres fugaces ne laissent pas toujours aux chasseurs le temps de l’observation, et moins encore du tir ?

De son index, Zlatan trace le nombre de 210 sur le sol. Le nombre de points CIC qu’il estime de son œil expert. Avec une infinie lenteur, le chasseur glisse le canon dans la fourche. L’œil se rive à la lunette, la main gauche cherche la bague de grossissement, l’index se rapproche inexorablement de la queue de détente. Le temps s’arrête. Mais, la détonation salvatrice ne vient pas. Le cerf nous présente désormais sa face postérieure. Impossible de lâcher une balle dans de telles conditions, sans risquer de blesser le noble cervidé. Sous la lueur orangée des derniers rayons, le visage de Stanislas reflète toute l’émotion que lui procurent de tels instants. Sensations brutes qu’implicitement nous partageons. Nouvelle pause, brève cette fois. Contre toute attente, l’arrogant mammifère démarre d’un coup pour s’enfoncer à vive allure sous les saules. Les quatre sentinelles n’ont quant à elles pas bougé. Le grand cerf reviendra-t-il d’ici quelques instants rejoindre le sérail ? C’est ce que nous espérons, tandis que les minutes filent nous rapprochant un peu plus de la nuit..

Love story en Croatie : photo 11
Mais, l’attente est parfois récompensée par le tir d’un cerf exceptionnel comme la Croatie en recèle.

Bramant avec orgueil, la ramure encombrée de fougères, la bête fera, l’espace d’une seconde, une brève et ultime apparition avant d’être définitivement absorbée par l’obscurité des feuillus. Image féerique, mais éphémère, qui ne laissera pas le temps au chasseur d’ajuster sa cible. Certes, nous aurions aimé vous fredonner « La mort du cerf » s’effondrant sous les dernières lueurs du jour. Qu’importe, nous avons vécu ce soir des instants d’une rare intensité, que comprendront sans difficulté les aficionados du brame. Et puis, ce n’est que partie remise… À l’aube du 3ème jour, Stanislas verra ses efforts enfin récompensés, récoltant au cours d’une même sortie un dix-huit cors de plus de 200 points, et un sanglier médaille d’or. Ainsi va la chasse, l’authentique, ici comme ailleurs.

Love story en Croatie : photo 12
Le long du Danube, le caractère plat des forêts ne présente aucune difficulté pour le marcheur rendant la zone accessible à tous les chasseurs, quelle que soit leur condition physique.

Sur quelques 30.000 hectares, ce territoire de chasse s’étale le long du Danube, frontière géographique et administrative avec la Serbie. De grandes forêts, à l’aspect primaire, où s’élèvent chênes et saules centenaires s’alternent avec de vastes roselières entrecoupées de prairies artificielles. Un tel biotope abrite en nombre de grands cervidés, mais aussi d’importantes compagnies de sangliers. Au cours de ce séjour, chacun des chasseurs a été mis à plusieurs reprises en présence de cerfs adultes qualitatifs, et a pu ainsi sélectionner les trophées de son choix. À l’instar de ce magnifique spécimen portant un panache de plus de 10 kg et accusant 221 points CIC.

Tous les sujets récoltés ont été éligibles à une médaille. À noter que d’une parfaite platitude, cette zone ne présente pas de difficulté majeure pour le marcheur, et ne nécessite par conséquent aucune condition physique particulière. Nous ne pouvions conclure sans évoquer le professionnalisme et la ponctualité des guides. Triés sur le volet parmi les responsables des Eaux et Forêts locales, chacun d’eux connaît parfaitement son secteur, et met tout œuvre pour que la chasse soit une réussite. Habitués à juger au premier coup d’œil les cervidés, ils ne commettent aucune erreur, et n’ordonnent le tir que des animaux préalablement définis avec le chasseur.

Love story en Croatie : photo 13
Le tableau de ce séjour est éloquent et démontre, outre la qualité des trophées croates, le professionnalisme des guides.