Le Robust de la Manu, légende de la chasse française

Le Robust de la Manu, légende de la chasse française

De par sa longévité et l’ampleur de ses ventes, le juxtaposé Robust de MANUFRANCE illustre à lui seul l’âge d’or de la chasse en France, une époque bénie où plus de deux millions de permis arpentaient plaines et côteaux pour bouler le lapin qui pullulait et lever des compagnies de perdrix comme sauterelles au Sahel… Plus d’un siècle après sa sortie, ce fusil reste aujourd’hui très coté et la nostalgie n’est pas seule responsable de cette fidélité…

UN NOM BIEN PORTÉ

Sorti en 1913, soit presque 20 ans après son frère de luxe, l’Idéal, le Robust a été fabriqué à plus de 800.000 exemplaires jusqu’à la fin des années 70… Une très longue histoire pour un modèle qui a évolué au fil des décennies, puisqu’on compte des dizaines de versions commercialisées, sans renier pour autant les fondamentaux qui ont fait son succès dès l’origine. Il a d’abord été le premier à démocratiser l’hammerless, puisqu’il est construit à partir d’une bascule anglaise ANSON & DEELEY inventée 38 ans plus tôt, et de canons qui acceptaient toutes les poudres, même sans fumée… C’était une « révolution » à une époque où l’on croisait encore beaucoup de fusils LEFAUCHEUX à broches dans nos campagnes françaises et où l’on rechargeait ses cartouches avec de la poudre noire la veille de l’ouverture… Son succès, le Robust le doit à deux qualités principales, sa simplicité et sa fiabilité, le tout proposé à un prix compatible avec une chasse qui se voulait « populiste ».

Le Robust de la MANU, légende de la chasse française : photo 2
La bascule : réalisée en acier spécial au nickel chrome, elle signe à elle seule la fiabilité du Robust.
Notez les verrous supérieurs qui complètent l’inférieur.

La bascule en acier trempé nickel chrome bien dimensionnée accueille un triple verrouillage actionné par la clé sur le col de crosse. On trouve ainsi un verrou classique transversal en arrière de la tranche de la bascule, épaulé par deux verrous supérieurs prenant dans le prolongement de la bande à l’instar du verrouillage Greener. Cette spécificité du Robust lui assure sa robustesse légendaire. Seuls quelques versions (n°220), proposées à prix d’appel, sont revenu au simple verrou… Les canons sont frettés, para-chromés à l’intérieur, avec une qualité de polissage et une tenue en pression qui varie selon les versions avec la fameuse dénomination « HERCULE », accompagné de 1 à 4 lauriers… Les modèles plus luxueux étaient aussi gravés et munis d’éjecteurs automatiques, mais la fameuse bretelle automatique, intégrée à la crosse, a été montée de série sur tous les modèles à partir de 1949… Année qui voit aussi la généralisation du poussoir sur l’avant de la longuesse.

Le Robust de la MANU, légende de la chasse française : photo 3
La bretelle automatique : Déjà présente en option dans les années 30, elle est proposée de série sur tous les modèles à partir de 1949…

1 MODÈLE, 52 RÉFÉRENCES !

Il n’y a donc pas Un Robust, mais plus de 50 versions qui font la joie des collectionneurs… Dès la fin des années 20, le n°30 était déjà proposé en version S, c’est-à-dire avec un canon rayé « Supra » pour le tir dispersant. La majorité des canons étaient des 70 cm, chambrés 65, puis 70 mm, mais dès les années 50 sont apparus les versions L à canons de 76 cm (n°222), puis les chambrés magnum 76 mm. Consciente du fossé budgétaire séparant ses deux modèles Robust et Idéal, la Manufacture développa une version « mixte », le « Robust-Ideal » (n°268 et 274) dès la fin des années 30. Ils furent suivis des n° 280, 286 et 292 jusqu’en 1961. En fait ce modèle utilisait le verrouillage de l’Ideal, avec sa fameuse clé en arrière du pontet, mais en version triple au lieu de quadruple verrous, et les canons restés frettés, alors qu’ils sont forgés en demi-bloc sur l’Ideal. Ces modèles mixtes, à la diffusion plus restreinte, sont hélas rares sur le marché de l’occasion… Dans les années 1990, la Manufacture renait de ses cendres et ressort le Robust sous quatre références : 322, 324 Mag, 326 bécassier et 450 Express… Mais, c’est déjà une autre histoire !

Le Robust de la MANU, légende de la chasse française : photo 4
D’origine chambré en 65 mm, puis rapidement en 70 mm… Selon les modèles on trouve des extracteurs, comme ici, ou des éjecteurs.

LA PRODUCTION

Depuis sa sortie, le Robust a toujours été référencé par numéro progressif, mais pas forcément suivi (explication des numéros manquants), ce qui permet déjà une datation approximative quand on croise une occasion. Beaucoup de numéros proches, donc produits sur la même période, ne diffèrent que par des finitions et options différentes, mais sont issus de la même base. De plus, certaines références ont été fabriquées sur deux périodes différentes, comme les 220, 222 ou 234… À titre indicatif, voici les années de fabrication des différents modèles commercialisés (source MANUFRANCE) :

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  • N° 1 à 7 : 1913 à 1924 (le 7S n’est sorti qu’en 1924).
  • N° 8 et 9 : 1914 à 1921.
  • N° 10 et 11 : 1914 à 1924.
  • N° 12 et 14 : 1922-1923.
  • N° 20, 22, 24, 26 : 1925 à 1930 (y compris versions 26E et ES, 1931 pour le 26S) .
  • N° 28 : 1925 à 1927 (y compris versions 28E et ES).
  • N° 30 : 1926 à 1930.
  • N° 30E et ES : 1925 à 1930.
  • N° 32 et 32S : 1926 à 1930.
  • N° 32E et 32ES : 1925 à 1930.
  • N° 34E : 1926 à 1930.
  • N° 34ES : 1929 à 1930.
  • N° 36E : 1926 à 1930.
  • N° 36ES : 1929 à 1930N° 202 (remplaçant du 20) : 1931 à 1939.
  • N° 208 (remplaçant du 22) : 1931 à 1939.
  • N° 214 (remplaçant du 24) : 1931 à 1936.
  • N° 220 (remplaçant du 26) : 1931 à 1939, puis 1968 à 1971.
  • N° 221 : 1971 à 1979 (version S uniquement fabriquée en 1972).
  • N° 222 (remplaçant du 202) : 1948 à 1968, puis 1950 à 1980 (intégrant versions L et S).
  • N° 224 : 1963 à 1980.
  • N° 226 (remplaçant du 30) : 1931 à 1939 (sauf version S, 1936).
  • N° 228 (remplaçant du 208) : 1948 à 1967.
  • N° 232 et 232S (remplaçant des 32 et 32S) : 1931 à 1936.
  • N° 234 (remplaçant du 214) : 1948 à 1968, puis 1969 à 1975 (intégrant versions L et S).
  • N° 238 (remplaçant des 26E et ES) : 1931 à 1936.
  • N° 240 : 1948 à 1965.
  • N° 244 et 244S (remplaçant des 30E et 30ES) : 1931 à 1939 (sauf version S, 1936).
  • N° 246 : 1948 à 1968, puis 1964 et 1971 (intégrant version S).
  • N° 250 et 250S (remplaçants des 32E et 32ES) : 1931 à 1939 (sauf version S, 1936).
  • N° 252 et 252S : 1963 à 1970.
  • N° 256 et 256S (remplaçants des 34E et 34ES) : 1931 à 1939 (sauf version S, 1936).
  • N° 262 et 262S (remplaçants des 36E et 36ES) : 1931 à 1934.
  • N° 268, 274, 280, 286 et 292 : 1937 à 1961.

LA COTE DE L'OCCASION

Il est relativement aisé de trouver un Robust d’occasion en armurerie, du moins parmi la production de masse des années d’après-guerre… Les anciens modèles (n° à 2 chiffres), les versions luxe (avec éjecteurs et gravures) et Robust-Idéal sont déjà plus rares et donc plus cotés. Selon l’état et les finitions les prix s’échelonnent en moyenne de 400 à 1200 euros, mais parfois beaucoup plus pour une version rare, comme par exemple le 34ES (avec un canon supra rayé) qui n’a été produit que sur une période très restreinte… Il faut aussi savoir que les calibres 16, très courants mais passés de mode, sont moins chers, ce qui peut constituer une opportunité d’acquérir un beau fusil dans un calibre aux excellentes qualités balistiques…

Le Robust de la MANU, légende de la chasse française : photo 6
Le marquage : En avant du pontet se trouve systématiquement gravé « Robust » et le n° du modèle, ici un classique 222.