La rayure des fusils : l’histoire d’un Paradox

On distingue d’ordinaire, d’un côté les armes de chasse dites lisses, les fusils plutôt pour le petit gibier, et d’autre part les armes rayées, les carabines, pour le grand gibier. Histoire de ne pas faire simple, il y a pourtant des fusils aux canons rayés.
La rayure des fusils née vers 1880. George FOSBERY développe un concept novateur et paradoxal : un système de rayures dans les derniers centimètres des canons de fusils permettant le tir de balles cylindro-ogivales pour le grand gibier, et de la grenaille pour le petit gibier. HOLLAND & HOLLAND l’adopte. Le Paradox repose sur la rayure des 5 à 6 derniers centimètres des canons. Le retreint est d’environ 1/25ème de pouce, soit en gros 1 mm. Les rayures possèdent un pas très lent.

LE PARADOX, DES RAYURES SUR LES DERNIERS CENTIMÈTRES DU CANON
La grenaille fait de belles gerbes jusqu’à 30/35 m, et les balles portent avec puissance et précision jusqu’à 100 ou 150 m. Le système sera disponible du calibre 8 au calibre 28. Le calibre 12 sera le plus courant. HOLLAND & HOLLAND produira 1479 Paradox, de 1886 à 1933. À l’expiration du brevet en 1899, Westley RICHARDS développe un système proche appelé Explora pour les gros calibres, et Fauneta pour le calibre 28. MANUFRANCE adopte le Paradox pour ses Idéal en 1904. Ces fusils, en 10, 12 et 16, portent le nom d’Idéal Colonial. Ils connaissent le succès dans nos colonies, sur tous gibiers.

LE CANON RAYÉ SUPRA : L’ÂGE D’OR DU LAPIN ET DE LA MANU
En 1924, apparaît le canon Supra, rayé sur sa toute sa longueur. Le Supra est conçu pour accroître la dispersion des grenailles de façon régulière et sans trou, pour la chasse du petit gibier, particulièrement le lapin qui est roi à cette époque, mais aussi le lièvre et la plume au bois. En calibre 12, le pas est de 1560 mm à droite, l’âme fait 18,4 mm pour 18,05 mm à plat de rayure, qui sont au nombre de 6. Lors de sa sortie, il se distingue par sa précision, jusqu’à 60 à 100 mètres avec des balles rondes ou cylindro-ogivales. On retrouve le canon Supra à droite, et un full ou demi à gauche. Il existe des fusils avec deux Supra, express du « pauvre », efficaces sur le petit gibier, souvent critiqués par ceux qui ne les ont pas utilisés. Employés dans les règles, ils ne blessent ni plus ni moins le gibier, que les autres systèmes.

LES RAYURES RAPIDES, LE FUSIL DEVIENT CARABINE
Le chasseur américain chasse peu, par périodes courtes et strictes, parfois avec des règlements bizarres. Certains états, voir comtés, imposent l’emploi du fusil et des balles. Pour un tir à l’horizontale, les balles de fusils touchent terre plus rapidement que celles des carabines, et portent moins loin. Afin d’améliorer l’efficacité, les fabricants ont sorti des balles plus légères, ensabotées, et nécessitant une stabilisation pour voler droit. La rayure règle le problème. VERNEY-CARRON a fourni des milliers de canons rayés pour fusils aux USA, sous la marque HASTING. Les pas de rayures varient de 711 à 889 mm pour les calibres 12. Ces rayures sont destinées au tir de balles sous-calibrées, mais donnent souvent de bons résultats avec des balles classiques. Avec de la grenaille, les gerbes sont exécrables et sans aucune densité.

RAYURE DROITE, UN CONCEPT SANS SUCCÈS DÉTOURNÉ À DES FINS DE LÉGISLATION
Le concept de la rayure droite est ancien, une idée fumeuse pour améliorer la précision des mousquets. Il y a quelques décennies, l’idée resurgit aux USA pour tenter d’améliorer la tenue des bourres à jupes, et les empêcher de tourner dans le canon. VERNEY-CARRON produira des tubes pour HASTING, Outre-Atlantique. En France, pour les fusils à pompe, VERNEY-CARRON propose des rayures droites qui ont l’avantage de la légalité, et la possibilité d’utiliser sans problème son fusil pour la plume.

Il est difficile de traiter un sujet aussi technique en quelques lignes, mais j’espère vous avoir un peu éclairé sur les différents types de rayures pour fusils. Et pour conclure, rappelons que les cannelures hélicoïdales des balles BRENNEKE n’ont jamais été conçues pour faire tourner la balle, mais pour permettre son passage dans les chokes.