Brame électrique dans les brumes biélorusses

La Biélorussie, vous connaissez ? Pour sûr dernièrement vous en avez entendu parler. Ce pays est un véritable paradis pour les chasseurs. Accompagnez-nous, au cœur d’une forêt préservée pour y chasser le cerf à l’approche. Exotisme et dépaysement garantis.
Début septembre, nous atterrissons à Varsovie. Varsovie ? En Pologne ? Je croyais que nous partions en Biélorussie, me rétorquerez-vous ! Exact, mais les mesures restrictives prises par l’Union Européenne contre la Biélorussie ne nous permettent pas d’arriver à l’aéroport de Minsk, sa capitale. Peu importe, nous regagnerons la frontière dans un minibus affrété par GP VOYAGE, l’organisateur de ce séjour. Au bout de quelques heures de route, nous atteignons la frontière de l’UE. Ambiance de guerre froide, garde-frontières lourdement armés des deux côtés de la rivière Bug, herses prêtes à être lancées sous les roues, les contrôles se multiplient, les armes de nos chasseurs sont vérifiées, les documents contrôlés et les passeports épluchés. Nous sommes bien hors de l’espace Schengen, et ici le job de garde-frontière prend tout son sens.

BRAME DANS LA NUIT
Après quelques heures sur les routes biélorusses, nous arrivons chez notre hôte. Il fait nuit noire lorsque Jérome LATRIVE, patron de GP VOYAGE, et Viktoryia, notre interprète, nous accueillent. Nous prenons possession de nos appartements individuels et passons à table avant d’aller nous coucher. Il faut récupérer de cette journée de voyage car demain le réveil sonnera à 5 h, la nuit va être courte mais peu importe, l’excitation de découvrir les forêts biélorusses et ses habitants est réelle, et l’impatience est grande. En rase campagne et proche de la forêt, nous sommes bercés par les raires d’un cerf qui brame à quelques centaines de mètres de nos chambres… Immersion totale.

À LA CHASSE D’UN MÊME ÉLAN
Les territoires disponibles pour ce séjour sont pour le moins variés, de grands massifs forestiers où vous ne rencontrerez personne, ainsi que d’immenses zones de prairies inondables par les pluies fréquentes en ces contrées, cloisonnées par des haies qui facilitent les approches et où les cerfs sont très nombreux pendant la période du brame. Il est également possible de chasser l’Élan d’Europe (photo ci-dessous) dans des zones de marais où l’ambiance brumeuse du matin crée une atmosphère intrigante jusqu’à ce que le soleil transperce de ses premiers rayons les nappes de brumes vaporeuses.

SILENCE, ON CHASSE !
Ce matin, c’est l’approche du cerf qui est au programme de Manu, un chasseur venu des Hauts-de-France. Il sera accompagné de Rouslan, son guide biélorusse, un grand gaillard souriant mais qui, comme nous, ne pratique que sa langue maternelle. Après que Viktorya nous ait traduit les grandes lignes, nous communiquons donc par gestes et quelques mots de base, mais qu’importe, de toute façon l’approche nécessite la plus grande discrétion… Ça tombe plutôt bien !

LAISSER VIVRE LES JEUNES
Une vingtaine de minutes sur les pistes forestières dans un véhicule tout terrain de fabrication russe, et nous voilà arrivés. Il fait encore nuit noire, Ruslan entame, sans appeau, une série de raires afin de localiser les premiers cerfs, et ainsi ne pas se faire surprendre par les animaux présents en lisière de chemins. La réponse est immédiate et plusieurs cerfs se font entendre. Ici, le brame bat son plein et les grands mâles sont bien installés sur leurs places, les harems sont réunis et bien gardés, dans cette forêt assez dense au sous-étage fourni. Il nous faudra approcher assez près pour bien identifier les animaux aux jumelles, car ici pas question de tirer n’importe quel cerf, l’objectif est de faire vieillir les plus beaux sujets, récolter des vieux cerfs à l’apogée de leur ramure et de ne pas tirer des jeunes aux trophées déjà imposants, mais promis à un avenir encore plus spectaculaire.

UNE PREMIÈRE APPROCHE
La quête commence et nous nous dirigeons vers une éclaircie qui fait suite à une coupe de bois, où la régénération est déjà bien avancée, permettant ainsi de nous dissimuler assez facilement et de nous rapprocher du cerf qui règne sur la place. Il s’agit d’un joli 12 cors irréguliers sans sur-andouillers, aux bois noirs et pointes bien blanches mais assez fins, qui ne correspond pas à ce que nous cherchons. Le cerf finit par nous repérer et nous fait face, il ne semble pas être apeuré par notre présence, il rentre dans le carré de résineux, et nous laisse passer avant de reprendre sa place et nous inviter, par quelques raires appuyés, à poursuivre notre chemin.

DEUXIÈME APPROCHE
Rouslan décide de se diriger vers un autre cerf qui brame au loin, il se trouve dans un défriché envahi de chardons en fleur situé à l’opposé de la parcelle. Sans neutraliseur d’odeur, le vent défavorable nous interdit toute approche à couvert par le grand bois. Nous nous dissimulons derrière la végétation et patientons. Le maître de place semble seul. Nous l’apercevons à travers les fleurs de chardons, il s’agit d’un joli cerf portant 10 cors, bien équilibré et fort prometteur.

Il bruine légèrement, un léger voile envahit les espaces ouverts dans lesquels se trouvent les cervidés. Nous continuons notre progression en sous-bois, enchaînant les arrêts pour bien situer les cerfs qui brament. Les deux protagonistes semblent se rapprocher l’un de l’autre. Ils sont installés sur un petit marais.

JAMAIS DEUX SANS TROIS
Les esprits s’échauffent et nous entendons les bois s’entrechoquer, Rouslan nous regarde et semble d’un coup habité par un mélange de joie, d’excitation et d’inquiétude. Il nous invite à accélérer notre progression, profitant que les deux cerfs se battent pour gagner du terrain, et ainsi pouvoir les identifier.

Derrière un rideau de saules, nous apercevons les bois emmêlés des cerfs qui ne se font pas de cadeaux. Nous continuons d’avancer lorsqu’un troisième cerf assez imposant quitte l’arène au galop, pendant que le combat continue. Notre guide installe le stable stick, Manu y appuie la carabine, mais nous n’avons toujours pas vu à quoi ressemblent les protagonistes.

Soudain, l’un des cerfs abandonne et s’enfuit en direction du bois. Le vainqueur relève la tête, opère un demi-tour sur lui-même et nous fait face, semblant nous toiser et nous dire… au suivant.

L’INSTANT FATIDIQUE
Le chasseur et son guide n’ont qu’une fraction de seconde pour se décider, il faut agir. L’œil dans la lunette, Manu prend ses responsabilités et lâche sa balle, le grand cerf s’effondre, nous apercevons son empaumure immobile. Nous attendons un instant et approchons doucement de l’animal. La balle est parfaite, le roi est mort.

Ce cerf est magnifique ! Le chasseur et le guide se congratulent, la pression redescend. Manu, notre heureux chasseur, nous rejoue la scène, puis vient le moment de se demander comment nous allons sortir ce cerf du marais. Rouslan connaît la forêt comme sa poche et nous indique la direction, nous regagnons un chemin de terre, où nous attendons les renforts.

LE PLUS DUR RESTE À VENIR
Les moments qui suivent nous marqueront probablement autant que cette matinée de chasse. Les renforts sont là et nous imaginons devoir tirer le cerf sur le kilomètre qui nous sépare de la piste, mais non !!

Sergueï et Romane vont tout d’abord jouer de la pelle en rebouchant les énormes ornières d’un pseudo chemin qu’eux seuls avaient remarqué. Puis, ils débitent à la tronçonneuse le premier arbre couché en travers avant que ladite tronçonneuse que nous avions attendue une bonne demi-heure ne tombe en panne.

UN PARCOURS DU COMBATTANT
Pour les arbres suivants, la hachette devient la seule et unique solution, mais au deuxième coup, le manche en bois se brise, provoquant l’hilarité générale. Sergueï, tout sourire, nous lâche un tonitruant « bienvenue en Biélorussie » ou quelque chose dans le genre. Heureusement, une autre hachette plus solide termine le travail.

LE CERF EST DANS LE BAC
Le camion peut enfin s’engager dans le bush et arriver au plus proche du cerf. Reste encore à le charger, ce qui n’est pas une mince affaire.

Cette matinée riche en rencontres, forte en émotions, et parsemée d’instants burlesques se termine bien pour Manu qui, à chaque fois qu’il posera les yeux sur le trophée de son cerf, se souviendra de ces bons moments passés dans la forêt biélorusse avec Rouslan, un homme des bois qui connaît parfaitement sa forêt et les animaux qui y vivent.
