Bleus de Sologne

Bleus de Sologne

Lorsque l’on parle de la palombe, on pense spontanément au Sud-Ouest, mais rarement au centre de la France. C’est une erreur tant la Sologne, notamment, est devenu un haut lieu d’hivernage et de chasse de l’oiseau bleu.

Terre de chasse légendaire, souvent sujette à de nombreux fantasmes, la Sologne est pour beaucoup de personnes un immense parc, où la concentration de gibier est telle, qu’ il est impossible de revenir bredouille. Elle est souvent associée aux chasses commerciales, dont on parle sous le nom peu flatteur de chasse « à la cocotte ». Bien loin des clichés, la Sologne demeure un magnifique territoire de chasse pour le gibier sauvage, et est devenue au fil des années un haut lieu de la chasse d’un oiseau migrateur en expansion, un oiseau totalement naturel et sauvage, qui fait tourner les têtes des passionnés, le pigeon ramier.

SOLOGNE, TERRE DE CHASSE POUR GIBIER SAUVAGE

Bleus de Sologne : photo 2
Garde-manger ou dortoir, les futaies solognotes sont très attractives pour les palombes.

Cet oiseau migrateur (on dénombre de plus en plus d’individus nicheurs) arrive en masse dans cette région dès l’automne. Lorsque les températures commencent à baisser, il colore tout de bleu les parcelles de maïs fraîchement récoltées, les colzas, mais aussi les petits bois, ainsi que les gros massifs forestiers qu’il utilise comme dortoir, ou comme garde-manger, lorsque la glandée y est importante.

Bleus de Sologne : photo 3
Bleus de Sologne : photo 4
Chasse très technique, l’installation des appelants sur des chariots animés par tout un jeu de cordes et poulies, peut prendre beaucoup de temps.

AU PAYS DE RABOLIOT

C’est au pays de Raboliot* du côté de Brinon-sur-Sauldre que nous avons rendez-vous aujourd’hui pour chasser ce bel oiseau, entre Cher et Loir-et-Cher. Il fait encore nuit noire lorsque nous retrouvons Yvan Vidal, le patron de la société « Organisation chasse pêche », qui va nous faire partager sa passion pour la chasse du pigeon aux appelants. Il est important d’être très tôt sur le terrain, car l’installation des appelants et l’ascension peuvent demander un peu de temps, selon que vous serez plus ou moins agile à monter au poste. Ah oui ! Je ne vous ai pas dit, c’est sur des plateformes d’altitude que nous allons tirer les palombes, et il faut être fin prêt pour le lever du jour, moment magique où les vols de pigeons quittent les dortoirs pour se rendre sur les zones de gagnage.

Bleus de Sologne : photo 5
Bleus de Sologne : photo 6
Sujets au vertige s’abstenir : à près de 30 mètres d’altitude, les sensations sont garanties.

DES CONDITIONS FAVORABLES

Elles peuvent varier d’une saison à l’autre, en fonction des cultures bien sûr, mais aussi de l’importance de la glandée. Yvan nous confirme que cette année, les chênes ont été particulièrement généreux et que les glands sont abondants. Les palombières où nous nous rendons étant situées au cœur d’un massif forestier, nous pouvons nous attendre à une très belle journée de chasse. Les conditions climatiques sont plutôt favorables, le temps est clair et le vent assez soutenu. les oiseaux devraient bien voler.

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Chaque poste est équipé de deux paires d’appelants, qui sont animés par les chasseurs, grâce à un système ingénieux de câbles et de poulies.

Nous voilà arrivés au pied de ces fameuses « palombières » de Sologne, les plateformes les plus basses se situent à 6 mètres de haut et les plus hautes à… 26 mètres. Véritables tours de contrôle, elles permettent de se retrouver à la cime des chênes, exactement là où passent les oiseaux. Il nous est donc possible de choisir le site où nous passerons la journée, chaque plateforme pouvant accueillir deux chasseurs.

DEUX CHASSEURS PAR PLATEFORME

Faute de chien, je resterai au sol et me chargerai de ramasser les oiseaux au cours de la matinée. Après un rappel des consignes de sécurité, et des précautions d’usage pour accéder aux plateformes, les équipes commencent l’ascension, pendant qu’Yvan installe les pigeons sur les palettes. Chaque poste pourra activer deux ou quatre pigeons vivants, magnifiques appelants issus d’une sélection drastique, qui peuvent faire la différence quand il s’agit de faire « casser » un vol qui passe au loin.

Bleus de Sologne : photo 8
Du haut des plateformes, il est évidemment plus fréquent de voir quelques oiseaux à portée de tir.

DES CENTAINES D’OISEAUX AU LOIN

Tout juste installés, les premières palombes commencent à voler au loin, et quelques minutes plus tard, les premiers tirs se font entendre et s’enchaînent.

Bleus de Sologne : photo 9
Davantage que les grands vols, ce sont souvent les pigeons isolés, ou comme ici les petites bandes d’oiseaux, qui offrent aux chasseurs des occasions de tir.

Le flux d’oiseaux est assez constant, et toute la matinée nous verrons des ramiers passer. Et même s’ils sont trop loin pour être tirés, la vision des vols de centaines d’oiseaux passant au loin est un véritable spectacle pour tout chasseur contemplatif.

Bleus de Sologne : photo 10
Les oiseaux arrivent au raz des arbres, et sont tirés certaines fois à très courte distance.

Au cours de la matinée, des cris de buses se font entendre. Quoi de plus normal, me direz-vous, que d’entendre des buses au milieu des bois. En effet, sauf que là, elles sont plusieurs et ne viennent pas par hasard. Du haut des plateformes, il n’est pas aisé de localiser tous les oiseaux qui tombent, elles ont donc bien intégré le fait que des repas encore chauds sont disponibles au pied des pylônes.

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Il faut bien veiller à ramasser tous les pigeons, sinon buses et sangliers s’en chargeront.

EN DIRECTION DES DORTOIRS

Les sangliers également ont bien compris la manœuvre, et il n’est pas rare qu’ils passent à proximité des postes de tir pour tenter de ramasser un pigeon oublié. Cette fois, ce sera inutile, le fin retriever que je suis a tout ramassé. La matinée s’achève, le casse-croûte nous attend. Les chasseurs reprendront leurs places pour l’après-midi, en attendant le retour des oiseaux de leurs lieux de gagnage vers les dortoirs, occasion une fois de plus de se régaler les yeux et accrocher quelques « bleus » supplémentaires.

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Sur les deux postes occupés ce jour-là, le tableau sera de 23 pigeons pour l’un, et 19 pour l’autre.

* Personnage d’un roman de Maurice GENEVOIX, écrivain français du XXème siècle.