Bertrand ALLIOT, un écolo qui détonne

Bertrand ALLIOT, un écolo qui détonne

À l’heure des écolos médiatiques aux discours apocalyptiques, culpabilisateurs, et bien sûr anti-chasse, AIR & NATURE a rencontré Bertrand ALLIOT, un véritable écologiste qui ne cède pas à l’hystérie d’idéologues, tels que Mathieu ORPHELIN, le nouveau directeur de la Ligue de Protection des Oiseaux et ancien député LREM.

Bertrand ALLIOT est directeur de la valorisation de la recherche à l’université Gustave EIFFEL de Marne-la-Vallée. « Naturaliste amateur », selon ses propres mots, il est aujourd’hui porte-parole de l’association Action Écologie, après avoir été longtemps administrateur national de la LPO.
Auteur d’un brillant essai paru il y a deux ans, Une histoire naturelle de l’Homme, il n’hésite pas à dénoncer la montée, au sein même de l’écologie, de la mouvance anti-chasse – qu’il juge stérile. Un discours constructif et sans concession qui nous a donné envie d’en savoir plus sur ce non-chasseur, sincèrement curieux de connaître notre passion.

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Deux pinsons des arbres.

AIR & NATURE : Comment est née votre passion pour les oiseaux, et quelles formes votre engagement en leur faveur a-t-il pris ?

Bertrand ALLIOT : Il est toujours difficile de comprendre pourquoi on se passionne soudainement pour quelque chose. C’est assez mystérieux. Lorsque j’étais à l’école primaire, je suis allé avec ma classe sur un site d’observation des oiseaux migrateurs (la Montagne de la Serre, près de Clermont-Ferrand) et les quelques observations que nous avions faites m’avaient ravi. J’ai tout de suite été fasciné par la gent ailée, et je garde un souvenir ému de la découverte des différentes espèces d’oiseaux. Quelques semaines plus tard, j’adhérais au Centre Ornithologique d’Auvergne (COA), qui est devenu, par la suite, la LPO Auvergne.

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Un chardonneret élégant.

Ensuite, je me suis investi dans l’association, en Auvergne d’abord, puis au niveau national, à partir de 1998. En tout, je suis resté 15 ans au Conseil d’Administration de la LPO. J’ai donc passé beaucoup de temps à observer les oiseaux, j’ai participé à des comptages, des études scientifiques, et à des opérations de protection. Enfin, j’ai essayé d’apporter ma vision des choses au niveau des instances de la LPO.

A&N : En 2020, vous avez publié un remarquable essai : Une histoire naturelle de l’Homme. L’écologie serait-elle une diversion ? (Éditions L’Artilleur, Prix littéraire Jours de Chasse 2021). Quel en est, en substance, la thèse ou l’intention centrale ?

BA : Au fond, dans ce livre, j’ai voulu mieux connaître notre espèce. J’essaye de montrer que les êtres humains, même s’ils s’efforcent de le dissimuler, sont d’abord et avant tout attachés à leur confort et au bien-être matériel en général. Le problème, c’est que cette caractéristique les fait ressembler aux autres espèces animales… Dans la nature, en effet, tous les êtres vivants cherchent à vivre le plus facilement possible et en fournissant le moins d’effort possible… Mais, l’homme n’aime pas du tout se voir comme une espèce ordinaire ! Il préfère se raconter des histoires et se montrer plus beau qu’il n’est. C’est pourquoi je dis qu’il aime faire « diversion ». Et je pense que l’écologie est un récit typique qui « fait diversion ».

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Pour résumer, l’écologie décrit une situation désespérée, mais affirme haut et fort qu’il reste un espoir… Si l’humanité tout entière se réveille et se met à agir, il est possible de sauver le monde ! Franchement, c’est beau comme un scénario hollywoodien… Le but est de faire apparaître l’homme comme un être extraordinaire : d’abord, en montrant qu’il détruit le monde, ensuite, en démontrant qu’il est capable de le sauver. Qu’il soit tour à tour considéré négativement et positivement n’est pas contradictoire, comme on pourrait le penser au premier abord. L’important est surtout que l’homme ne soit pas dépeint comme un être ordinaire.
Et pourquoi est-ce si important ? Parce que nous sommes mortels, tout simplement… Et si nous ne sommes pas ordinaires, alors il demeure un espoir… Voilà, j’ai voulu montrer que l’homme est prisonnier de l’histoire naturelle. Comme il n’aime pas sa condition, il s’évade en s’inventant des histoires.

A&N : En tant que naturaliste, non-chasseur, ancien administrateur national de la Ligue pour la protection des oiseaux, et toujours adhérent de celle-ci, que pensez-vous de l’état d’esprit de plus en plus anti-chasse que l’on observe au sein des représentants de l’écologie contemporaine ?

BA : L’état d’esprit anti-chasse me désole. Évidemment, entre les naturalistes et les chasseurs, il existera toujours un antagonisme. Pourquoi ? Parce qu’ils se ressemblent et qu’ils utilisent un même terrain de jeu : la nature. Il y a derrière la « guéguerre » entre chasseurs et naturalistes un simple conflit d’usage. Pourtant, si l’on y réfléchit, ces deux « acteurs » ont le même intérêt : protéger la nature et favoriser les espèces animales. Faire croire, de façon univoque, que les chasseurs sont des destructeurs de la nature me fait sourire. Évidemment, il existe des viandards, mais je pourrais aussi vous en raconter des vertes et des pas mûres sur les naturalistes. Ils ne sont pas tout blanc.
Alors, au lieu de se chercher des noises, il serait plus utile de collaborer pour protéger les espaces naturels. D’ailleurs, ça se fait beaucoup sur le terrain.

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La perdrix grise, une espèce dont la préservation des biotopes profite à beaucoup d’autres espèces dans l’intérêt des chasseurs et des naturalistes.
Crédit photo : Gilles DE VALICOURT

Il y a un point qui me révolte particulièrement à propos de l’attitude actuelle des « écologistes » envers les chasseurs : dans tout un tas de domaines, notre société développe une intolérance de plus en plus grande « au nom du bien ». Dans ce cadre général, il y a aujourd’hui une croisade animaliste invraisemblable, et la chasse est l’une des cibles privilégiées. Elle est affaiblie, non parce qu’elle est une pratique scandaleuse, mais parce que la société contemporaine est pleine de névroses.
Dans ce contexte, je trouve que les associations de protection de la nature ne devraient pas, comme elles ont tendance à le faire, s’acharner sur « l’homme à terre ». J’ai parfois le sentiment qu’elles ne sont en effet pas mécontentes de tirer sur l’ambulance. Or, il faut se méfier. Comme au tennis, on a toujours besoin d’un sparring-partner. On doit savoir tendre la main à son adversaire, surtout lorsqu’il a un genou à terre.
Si les associations passaient autant d’énergie à lutter contre les éoliennes, ces machins qui ne servent à rien, ou les chats domestiques, la faune se porterait bien mieux. Enfin, il faut aussi qu’elles se méfient du retour de bâton. Peut-être seront-elles un jour conspuées pour de viles raisons, elles aussi. Sur le bien-être animal, on pourrait d’ailleurs facilement sortir des dossiers.

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La lutte contre les éoliennes plutôt que contre des moulins à vent ?
Crédit photo : Gilles DE VALICOURT

A&N : Vous êtes le porte-parole d’Action Écologie, jeune association qui milite pour un tout autre rapport aux questions environnementales que celui qui prévaut aujourd’hui médiatiquement et politiquement. Pourriez-vous nous la présenter ?

BA : Action Écologie est une jeune association, qui a maintenant deux ans. Je l’ai rejointe il y a peu en tant que porte-parole. Notre but est de montrer une autre image de l’écologie et de dénoncer les excès de ceux qui prétendent être à l’avant-poste de la protection de l’environnement. Nous sommes d’abord anti-catastrophistes : nous pensons qu’il faut rompre avec le discours sur la fin du monde, car celle-ci n’est pas du tout certaine. Or, cette peur de l’apocalypse nous entraîne dans des politiques mortifères. Ensuite nous refusons de mêler les sujets sociétaux aux sujets environnementaux. L’écologie, ce n’est pas s’occuper de la lutte contre les inégalités, du droit des migrants et je ne sais quoi encore. Nous ne voulons pas de mélange des genres. Enfin, nous aimons notre pays et, parfois, nous avons le sentiment que les « autres écologistes » veulent détruire tout ce qui fait son charme (en voulant par exemple interdire les sapins de Noël, le Tour de France, etc.). Il faut maintenant donner une autre image de l’écologie, et c’est pourquoi nous ne nous cherchons pas d’ennemis : pas plus les chasseurs, les agriculteurs, que les forestiers. L’important est de faire avancer la protection de l’environnement, en faisant preuve de discernement. Nous dénonçons donc les délires des « écologistes », en produisant du contenu de ré-information : conférences, études, etc. Nous avons déjà 5000 donateurs ! Notre discours passe bien, et nous nous en félicitons tous les jours !

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Action Écologie entend promouvoir une écologie positive et porteuse d’avenir.
Crédit photo : Gilles DE VALICOURT

CONTACT

Pour tout renseignement : bertrand.alliot@gmail.com
Action Écologie : www.actionecologie.org
Le livre à lire : Une histoire naturelle de l’Homme (éd. L’Artilleur)