À l’assaut des chasses cathares
Lorsqu’un ariégeois, un haut-alpin et un solognot se retrouvent au même endroit avec leur chien d’arrêt en janvier, ça discute… bécasse ! En l’occurrence, dans ce paysage vallonné, sorte d’augure aux Pyrénées de l’horizon, la mordorée est bien la ligne conductrice du week-end. Mais pas que…
La réforme de la chasse de 2019 a eu cet avantage de faciliter les séjours de chasse partout en France. Avec le coût de la validation nationale ramené à 200 €, il est plus abordable de se donner la possibilité de changer de région afin de vivre de nouvelles expériences cynégétiques dans nos terroirs si variés. Et nous ne nous en privons pas, pour une passée en Brenne, un chamois dans les Hautes-Alpes, une chasse d’été du brocard dans le Sud-Ouest ou, donc, ce week-end en Ariège, près de Mirepoix.
MISE EN JAMBES
Arrivés ce vendredi midi de nos contrées lointaines chez notre ami Ludovic, David et moi faisons se dégourdir les pattes de nos chiens. David espère profiter de ce séjour pour montrer ses premières bécasses à son jeune drahthaar, Ramsès, d’à peine un an. Il sera encadré par ma fidèle Izzy, braque français type Pyrénées, et Ninja, le pointer anglais trialer et affûté de Ludovic.
Une fois installés, nous décidons de nous mettre en jambe, et nos chiens avec, en prospectant des côteaux broussailleux en bordure de prés. Les pentes sont réelles pour moi, habitué des plaines, mais totalement anodines pour David le haut-alpin ! Les chiens commencent à prendre leur quête et à se concentrer sur la recherche. Évidemment, pour ce dépucelage bécassier, Ramsès navigue entre Izzy et Ninja, qui eux ont bien compris ce qu’ils avaient à faire ; Ninja en bon bécassier « trialisant » en limite de cloche et Izzy à peu près à vue.
UN DÉPAYSEMENT TOTAL
Les flancs de collines sont couverts d’un mélange de bruyères à balai, de genêts, genévriers, ronces, églantiers et prunelliers. De quoi mettre à mal nos cuissards ! Parfois, une touffe de lavandin sur un versant sud nous rappelle la proximité méditerranéenne. Le dépaysement est complet. Néanmoins, un biotope idéal pour une bécasse ; l’espoir est présent à chaque prospection canine.
Un coup de fusil retentit sur le versant opposé ! David vient de tirer une bécasse levée par Ramsès. Ratée. Le temps de se le raconter, et une seconde s’envole à 50m de là ! Un pairon* ! Les bécasses sont bien présentes, ce qui nourrit nos attentes et nous rassure pour la suite. Nous poursuivons notre quête, dans les directions de vol des oiseaux, afin d’essayer de les relever. Sans succès pour David et moi, mais Ludovic en lèvera une qu’il ne pourra tirer. Une fois rentrés, ayant un peu de temps devant nous, nous travaillons l’arrêt de Ramsès à l’aide de pigeons et d’une boite d’envol. C’est toujours plus simple à deux ou trois. Le jeune chien est fougueux, au tempérament très chasseur. La passion est là et demande à être canalisée. Il sera redoutable quand il aura compris ce qui lui est demandé.
UNE SOIRÉE MÉMORABLE
David n’a que peu l’occasion de chasser le canard dans ses Alpes. Il se prépare donc à une passée sur le lac de la ferme, où transitent parfois quelques colverts et sarcelles. Avec Ludovic, nous décidons de tenter l’approche au chevreuil et sanglier. J’adore ces transitions d’une chasse sur l’autre, la variété bien française de nos possibilités cynégétiques.
Nous commençons par prospecter quelques lisières de boqueteaux, en bordure de prés. L’idée est de monter en haut d’une des collines afin d’avoir un point de vue dégagé pour jumeler. Lors de l’approche, les indices au sol sont éloquents : il y a du sanglier, en nombre et récent ! Observer les versants opposés avec l’espoir d’y trouver une tache rousse ou noire me remplit d’excitation. Si la Sologne est (évidemment) la plus belle des régions de chasse, je me dis parfois qu’il ne lui manque que le relief… C’est une bouffée d’air, une exaltation. Le paysage bocager s’étend devant nous, avec les Pyrénées enneigées comme horizon. Nous repérons seulement un renard en train de muloter à plus de 500 m. Les coulées marquées dans la friche en contrebas nous laissent penser que notre poste d’observation n’est pas mauvais. Mais, rien pour le moment. Au loin, les premiers coups de feu retentissent ; David a du passage sur l’étang.
DES SANGLIERS !
Nous nous relevons pour changer de lieu quand soudain j’arrête Ludovic ! Une compagnie de sangliers est apparue à 50 m sur le haut de la colline et vient vers nous. Nous nous immobilisons, mais trop tard. La compagnie est statufiée ; la laie a perçu un mouvement. Volte-face ! Nous entendons les suidés rentrer dans le bois proche, au bruit des feuilles et broussailles cassées. Cela s’est joué de peu !
Nous redescendons de là vers une petite combe, un champ de trèfle bordant un côteau de broussailles. Deux chevreuils se trouve en lisière. Nous essayons d’identifier les animaux, pour savoir si nous pouvons en tirer un. La voix rauque d’un brocard se fait entendre ! Nous sommes pourtant cachés et à bon vent. Ludovic a déjà compris et remonte la pente à grandes enjambées. Je pense qu’il veut intercepter le brocard et décide de le laisser seul mener son approche, afin d’éviter de lui saboter ; on est déjà de trop à un, parfois. Je monte quand même une balle dans la chambre, au cas où le chevreuil décide de sortir en contrebas.
LE GIBIER D’EAU AUSSI
Mais, je comprends mon erreur et c’est bien la compagnie de sangliers qui surgit du bois, en plein découvert dans le trèfle, petit galop ! Une douzaine de ragots d’une cinquantaine de kilos passe pile entre nous, à une vingtaine de mètres de chacun, dans cet espace dégagé grand comme un terrain de foot ! Bien évidemment, sans possibilité de tir, puisque nous sommes l’un en face de l’autre… Ce sont eux qui avaient dérangé le brocard ; ce que Ludovic avait bien saisi. Quelles images en tête ! Nous retrouvons David qui a tué un colvert et raté une sarcelle. Tombé de l’autre côté de l’étang, nous le récupérerons le lendemain matin. Premier rapport pour Ramsès.
L’approche du grand gibier au lever du jour ne donne rien. Nous reprenons nos chiens d’arrêt et quêtons de nouveau la mordorée. Quelques arrêts non salués, et d’autres non récompensés, marquent la matinée. La maladresse des tireurs est flagrante, avec une bécasse ratée par David une première fois. Nous voyons la bécasse se reposer dans un petit bois en face à 500 m de là. Le temps de s’y rendre et de retrouver le repère du grand chêne avec les feuilles marcescentes. J’encourage ma chienne, mais pas de bécasse. Je commence à douter du lieu exact, quand je vois Izzy donner un coup de nez.
ENCORE RATÉ !
La bécasse s’envole, mais lutte pour s’extraire des ronces. Sur l’instant, je la crois blessée du premier tir et demande le rapport à Izzy pour qu’elle la capture. Mais, la mordorée est bien indemne et parvient à prendre son envol ! Surpris, je me précipite un peu sur mes tirs, qui trouvent le vide, tout comme ceux de David qui m’avait accompagné. 6 cartouches au total pour une bécasse qui vole encore. Ludovic ne boude pas son plaisir dans les railleries !
Toujours bredouilles malgré les levées, nous finissons par une parcelle de bois de pins, que nous n’avons pas encore chassée. Izzy marque un premier arrêt, que j’annonce à David afin qu’il me rejoigne. Mais la bécasse ne nous attend pas. Ramsès en lève une autre, puis une troisième ! Au final, Ninja va mettre tout le monde d’accord, avec un arrêt servi par son maître d’un joli tir en lisière, pour clôturer ce week-end mémorable d’amitié, de partage et de dépaysement.
Comme quoi, le plaisir de la chasse ne se mesure pas au tableau, mais bien à la qualité de sa compagnie, au naturel du gibier, à nos paysages uniques et l’amour de nos chiens.
* Duo de bécasses