Zoom sur l’année d’un territoire

Depuis plus de trente ans, la FDC du Loir-et-Cher gère le petit gibier naturel. Plus de 200 000 ha sont en plan de chasse faisan naturel, sans aucun lâcher. Pour cela, les territoires se sont organisés en GIC* ou en GIASC** afin d’adopter une gestion commune du faisan. À l’heure des bonnes résolutions, voici un résumé des actions réalisées chaque année pour pérenniser ces populations sauvages.

MAÎTRISER LES PRÉDATEURS, ESOD*** COMME GIBIERS…
Le faisan commun a pour lui le fait de se percher le soir pour passer la nuit. Il évite ainsi la prédation des rodeurs nocturnes. Mais il est nécessaire malgré tout de limiter l’impact de ces petits mammifères sur les poules faisanes, les nids et les juvéniles. Pour cela, les piégeurs maintiennent une pression continue sur le goupil, par des pièges sur charniers. Quelques déterrages ont lieu aussi au printemps. Les mustélidés sont eux visés par la mise en place de boîtes à fauves.

Les corvidés font également l’objet de régulation par du tir de mars jusqu’en juillet, en accord avec les agriculteurs. Les corneilles noires peuvent se spécialiser sur le pillage des nids, la consommation des œufs.

Enfin, sujet sensible pour certains, le sanglier est persona non grata au sein du GIASC, redoutable destructeur de nids qu’il trouve facilement dans ses maraudes. Il est inconcevable de conserver des suidés en quantité sur ces zones où le succès de la reproduction est vital. Par ailleurs, la destruction des agrainoirs peut vite devenir problématique. Le sanglier fait donc l’objet d’une chasse appuyée de juin à mars, que ce soit en battue, à l’approche ou à l’affût, parfois à l’arc.

COMPTAGES DE PRINTEMPS
Dans cette optique de gestion d’une population naturelle, il est essentiel d’estimer le volume de faisans reproducteurs ayant passé l’hiver et susceptibles de se reproduire. Pour cela, les GIC organisent entre début avril et la mi-mai des comptages de coqs. À cette période, les coqs deviennent territoriaux et chantent pour revendiquer leur possession, ce qui rend plus aisé leur dénombrement.

Le comptage se déroule de la manière suivante : une centaine de bénévoles est briefée en salle puis rejoint les zones attribuées, d’environ 40 à 80 ha. Ils doivent parcourir ce secteur en deux heures et déterminer le nombre de coqs différents, chanteurs comme non chanteurs. Lorsqu’on se déplace, les faisans se cachent et arrêtent de chanter. Il faut donc alterner des points d’écoute statiques d’un quart d’heure et des déplacements pour, au final, avoir fait environ 1 h fixe et 1 h mobile.

De bonnes jumelles aident à trouver ces oiseaux farouches dans les blés ou les colzas, par une tête qui dépasse. Un dénombrement uniquement à l’oreille des coqs chanteurs serait incomplet puisque certains coqs, dominés ou non territoriaux, ne chantent pas. Ils doivent néanmoins être comptabilisés comme reproducteurs.

Cette donnée fondamentale sert d’indice d’année en année pour évaluer la dynamique des populations et le stock de reproducteurs.
AMÉNAGEMENTS ET ACTIONS SPÉCIFIQUES
● Les cultures à gibier jouent un rôle primordial pour le maintien du faisan naturel. Les paysages agricoles aujourd’hui ne laissent que peu de couvert en saison hivernale. Il est donc vital d’avoir des parcelles ou des bandes cultivées conservées toute l’année. Elles sont semées de mai à juin, souvent des mélanges ; notre préférence va au mélange sorgho fourrager/millet, qui offre gîte et nourriture. Il est possible également de semer du blé à l’automne, conservé 1 an et demi : le printemps, il sert de couvert de nidification et de nourriture ensuite de l’été à l’hiver suivant.

● Agrainage : un agrainoir aux 10 ha environ assure un complément alimentaire précieux et limite la prédation en diminuant le temps passé à découvert par les faisans à la recherche de nourriture. Sur l’ensemble d’un GIC, la quantité de blé nécessaire s’élève vite à plusieurs tonnes par an.

● En collaboration avec les agriculteurs qui nous informent de leurs travaux, nous essayons de sauver le maximum de couvées du machinisme agricole. Pendant les moissons, les œufs sont récupérés quand un nid est découvert. Et avant fauchage de luzerne, nous parcourons la parcelle avec des chiens d’arrêt (un arrêté préfectoral le permettant), afin de repérer les poules nicheuses et leur nid. Les œufs ainsi sauvés sont envoyés au conservatoire des souches de l’OFB pour l’élevage de ces oiseaux d’origine sauvage.

ÉCHANTILLONNAGES DE REPRODUCTION
Si le comptage de printemps donne le stock de reproducteurs, l’échantillonnage d’été doit évaluer le succès de la reproduction. Réalisé début aout, une fois toutes les moissons terminées pour avoir le moins de couvert possible, il consiste à circuler dans les zones de cultures ouvertes et trouver une quantité statistiquement représentative de poules faisanes. En comptant les jeunes qui les accompagnent ou non, on obtient une moyenne de jeunes par poule.

Cette donnée est primordiale. En moyenne autour de 5 jeunes par poule, la reproduction est considérée comme mauvaise en-dessous de 4, et a contrario bonne à partir de 6. Pondérée par des barèmes liés à la nature des territoires (proportion bois/terre agricole/cultures à gibier), indexée au nombre de coqs de printemps, cette estimation guide les attributions pour la saison de chasse à venir. Libre ensuite au GIC de fixer celles-ci selon les ressentis sur le terrain, les dynamiques observées.

Cet échantillonnage par des techniciens de FDC expérimentés apporte aussi des précisions sur l’âge des faisandeaux et donne par déduction le pic d’éclosion (généralement autour de la semaine 23-24, fin mai-début juin).
La forte proportion d’oiseaux immatures à l’ouverture générale (autour de 70%) pousse ainsi à retarder à début octobre la chasse du faisan.

EN QUELQUES CHIFFRES :
- Le GIASC, entre Loire et Cosson, se situe en bord de Loire, dans le Loir-et-Cher. D’une surface de 5600 ha à l’origine, désormais 7700 ha, il s’étend sur 9 communes, organisées en chasses communales et chasses privées.
- En 2012, 2013 et 2014, 900 faisandeaux issus de souches naturelles ont été lâchés chaque année sur l’ensemble du territoire. Pendant cette période, la chasse du faisan fut suspendue, bien évidemment.
- 60 ha de couverts à gibier sont semés chaque année.
- Les prélèvements de renards par tir et piégeage fluctuent entre 70 et 120 renards par an.
- Les derniers comptages de ce printemps 2022 ont rendu une moyenne de 14 coqs/100 Les échantillonnages d’été estiment la reproduction 2022 à 4.8 jeunes par poule, ce qui a permis d’attribuer cette saison 960 faisans au plan de chasse, soit environ 12 faisans/100 ha !

Dans les milieux où le faisan a sa place, la gestion durable d’une population naturelle a fait ses preuves. Les méthodes sont connues et éprouvées. La motivation des chasseurs doit faire le reste.

* GIC : Groupement d’Intérêt Cynégétique
** GIASC : Groupement d’Intérêt Agro-Sylvo-Cynégétique
*** ESOD : Espèces Susceptibles d’Occasionner des Dégâts