Une culture 3 étoiles pour chevreuils gourmets
Notre petit cervidé préféré, le chevreuil, a un régime alimentaire particulier qui fait de lui un véritable gourmet. C’est pourquoi une culture chasse bien ciblée a tout son intérêt.
Obligé de s’alimenter plusieurs fois dans la journée car il n’accumule pas de réserve de graisse, le chevreuil est un cueilleur. Son alimentation, de nature variée, se compose de végétation ligneuse (chêne, charme, bouleau, prunelier), semi-ligneuse (lierre, chèvrefeuille, ronces) et herbacée (assez peu de graminées), auxquels s’ajoutent quelques fruits (glands, mûres).
UNE FINE BOUCHE
Contrairement au cerf, qu’on pourrait plus facilement qualifier de « vache », dans le sens où il broute une grande quantité de végétaux et tout ce qui se présente, le chevreuil glane et choisit. Il préfère les bourgeons, les jeunes pousses et les feuilles des végétaux appétents, s’orientant vers les parties végétales les plus riches à dessein.
POURQUOI DES CULTURES ?
Certes, le chevreuil n’a pas attendu l’aménageur pour passer les années. Cependant, il est possible de simplifier la vie de ce beau gibier et lui garantir un bon état physiologique général, en particulier dans les milieux pauvres, séchants et acides, où la disponibilité alimentaire est moindre. L’intérêt de cette culture pour le chevreuil est lié à la période durant laquelle elle est semée, généralement fin de printemps, début d’été.
Dès juin/juillet, cela procure une source de végétation appétente et riche aux chevrettes allaitantes, aux faons qui découvrent le gagnage, à une période généralement chaude qui voit la végétation sécher, durcir, et les rameaux se lignifier ; en définitive, perdre leur gain nutritionnel. Les besoins sont importants, mais les ressources moindres.
UN MÉLANGE ÉTUDIÉ
Les espèces utilisées conviennent très bien aux sols sableux, séchant et acides, là où les cultures ont le plus raison d’être ; dans les terroirs riches, plaines de Beauce et autres. La nature y apporte déjà tout le nécessaire par la variété et l’opulence. D’autres graines sont très intéressantes pour le chevreuil telles que le trèfle incarnat ou la luzerne, mais elles nécessitent un sol plus riche. Le mélange testé a fait ses preuves depuis des années en Sologne, sur sables séchant.
La composition est la suivante : sarrasin, radis fourrager, colza fourrager et trèfle violet. Une polygonacée, deux crucifères et une légumineuse.
Le sarrasin et le radis fourrager sont les plus appétents dès la levée, avec priorité au sarrasin. Les feuilles et les fleurs sont dévorées avec délectation. Ces espèces ont l’avantage de refaire des pousses à l’aisselle des feuilles après consommation de la tige principale, faisant durer le gagnage sur plusieurs mois.
Le couvert atteint le mètre de haut, voire plus, ce qui est appréciable pour le chevreuil qui s’y sent en sécurité voire s’y couche facilement. Le sarrasin disparait après la montée en graine au bout de deux à trois mois quand le radis fourrager est détruit par le gel vers -5°C, ici en Sologne généralement en décembre.
Le colza fourrager et le trèfle violet sont, eux, résistants au gel. Ils apportent un plus pendant l’hiver et au printemps, en faisant la transition jusqu’au débourrement de la végétation. Par ailleurs, le trèfle violet enrichit le sol, ce qui n’est pas un luxe dans le contexte évoqué.
Enfin, ce mélange est mellifère et apporte de la fleur aux insectes butineurs.
Dans les zones très denses en grands cervidés, il sera nécessaire de protéger la levée du couvert par des fils électriques pendant au moins une quinzaine de jours, sans quoi tout sera dévoré. Une telle culture à cette période de l’année rameute toutes les panses du quartier.
LES CLAIRIÈRES AUSSI
N’hésitez pas à dispatcher de petites cultures de quelques centaines de mètres carrés dans vos massifs boisés. Un aller-retour de charrue le long d’une allée large, un triangle ou une clairière inutilisée, il n’en faut pas plus pour semer à la volée quelques poignées de semences, et rendre un coin forestier austère beaucoup plus riche et attirant.
J’ai ainsi semé trèfle violet et radis fourrager directement sur labour, dans un espace dégagé où s’élargit la ligne de tir. L’état de consommation de la végétation me donne raison.
Voici donc une recette à adopter par tous les gestionnaires de territoires soucieux de satisfaire les besoins de leurs chevreuils, là où les sols, et donc la végétation, ne sont pas très généreux. Les chevreuils l’ont validé !
