Pauline ZACHARIE, profession armurière

Pauline ZACHARIE est la seule femme diplômée d’un Brevet des Métiers d’Art (BMA) en armurerie. Elle dirige l’armurerie JAMES d’Autun, en Bourgogne où nous l’avons rencontrée.
On peut se rendre à Autun, la Rome du Morvan, pour bien des raisons, par exemple pour y visiter un chef-d’œuvre architectural, le plus grand théâtre occidental de l’Empire romain. Plus prosaïquement, on s’arrêtera y déguster un authentique bœuf bourguignon arrosé de Gevrey-Chambertin. Mais, quand on est chasseur, s’il est une raison pour laquelle on vient, ou l’on revient à Autun, c’est bien pour l’armurerie JAMES. Elle est située au 55, rue Aux-Cordiers, depuis 1824.

Il s’agirait même du plus ancien commerce de la ville. Jusqu’au départ à la retraite de Jean-Claude JAMES, dernier propriétaire du nom, on poussait la porte de l’enseigne, aux trois canards, d’abord pour lui. Ses clients conservent de Jean-Claude le souvenir d’un armurier affable et compétent. Chacun de ses conseils avisés étaient instillés, « modestement », comme il aimait à terminer certaines phrases. Ses recommandations balistiques, faisaient notamment autorité, une science dans laquelle il excelle.
En 2012, l’heure de la retraite a sonné pour Jean-Claude. Cet amateur de vénerie décide alors de « transmettre le fouet », et aujourd’hui c’est Pauline qui est le maître d’équipage de cette armurerie qui compte 7 salariés.

LE CHEF-D'ŒUVRE DE PAULINE
Quand Pauline se rend à Autun en 2007 pour la première fois, cela « colle » aussitôt avec Jean-Claude. « Je n’avais jamais vu un aussi beau magasin ! Quelque chose me plaisait énormément. Il y avait une âme ici », se souvient-elle émue. Les sentiments ne se commandent pas. En plus, Pauline tombe amoureuse de la région, au point de s’y sentir aussi bien que dans son Isère natale, où toute petite, elle accompagnait Pierre, son père, dans leurs montagnes du Vercors à la chasse au chamois. Sa passion de la chasse aux grands animaux ne l’a jamais quittée.

Preuve de ses excellentes relations établies dès le départ avec l’armurerie JAMES, Jean-Claude acceptera une clause d’embauche particulière. Il financera le projet de Pauline d’un « chef-d’œuvre » (NDLR : afin de valider leur apprentissage, les élèves des formations aux métiers d’arts réalisent, le plus souvent, un ou des objets validant leur maîtrise professionnelle) : la trilogie Odyssée qui tient tant à cœur à la jeune femme, alors âgée de seulement 22 ans. Trois fusils de petits calibres (28, 20 et .410), sur une base de juxtaposés issus de L’Atelier VERNEY-CARRON verront le jour. Ces armes « haute couture », ont été inspirées par la mythologie grecque ; elle les baptisera : Cassiopée, Amazone et Calypso. Cette réalisation concrétise non seulement le savoir-faire exceptionnel de Pauline mais plus encore, sa sensibilité artistique féminine dont le monde de l’armurerie a besoin. Cette alliance d’un attrait pour la technique et d’un goût prononcé pour l’esthétisme remonte loin.



DEVENIR ARMURIÈRE N'EST PAS UN « LONG FLEUVE TRANQUILLE »
En effet, enfant, du côté de Bourgoin-Jallieu, Pauline ZACHARIE semble parfois conjuguer des passions contradictoires. « J’adorais le bricolage, à la maison c’est moi qui réparais les lampes ou le portail », raconte-t-elle. Elle suivra la filière d’un sport-étude en gymnastique jusqu’à l’âge de 15 ans. Quand à la fin du collège ses parents l’interrogent à propos de son avenir, sa réponse fuse : « Je serai écrivain ! De même que la chasse, cette passion ne m’a jamais abandonnée. »

Ressent-elle que son choix ne satisfait pas ses parents ? Quoi qu’il en soit, elle change radicalement son fusil d’épaule. « J’avais aussi depuis toujours la passion des armes en tant qu’objet. Pas forcément pour leur utilisation ; même si je pratiquais assidûment le tir à air comprimé à 10 mètres. » Elle imagine devenir tireur d’élite dans l’armée. Sa rencontre avec un recruteur aux propos misogynes l’en dissuadera. Pierre son père lui réserve alors la surprise qui allait bouleverser la vie de sa fille. Il profite des journées « portes ouvertes » du lycée d’armurerie Fourneyron à Saint-Etienne pour y accompagner Pauline. « Là, au deuxième étage, j’ai eu le déclic absolu. Je me suis retrouvée à 200% en découvrant ses jeunes à l’établi. J’étais fascinée de les voir tourner des pièces mécaniques, fraiser, quadriller, d’assister à la naissance d’une arme », se souvient-elle.

Pour se retrouver elle-même un jour à l’établi, elle abandonne l’idée de passer un Bac Littéraire pour se lancer dans un cursus de 3 ans en lycée professionnel sans aucune garantie de réussir à intégrer une école d’armurerie. Après 3 ans de dur labeur, et heureusement diplômée « meilleure élève Rhône-Alpes », en 2003, Pauline ZACHARIE est admise à la formation au Brevet des Métiers d’Art en armurerie, toujours au Lycée Fourneyron de Saint-Étienne. « Ce seront deux années formidables avec des professeurs et des élèves passionnants et passionnés. »

MAJOR DE PROMOTION SANS EMPLOI
Pourtant sortie major de sa promotion, Pauline se heurtera à nouveau aux réalités d’un univers encore trop masculin quand il s’agira de trouver un emploi. Paul DEMAS, le premier, lui donnera finalement sa chance, en 2005, à l’établi de sa manufacture – aujourd’hui VERNEY-CARRON Collection. Elle avait travaillé chez lui durant tout l’été précédant son diplôme pour financer ses études. À ce jour, Pauline ZACHARIE demeure la seule femme à être diplômée d’un Brevet des Métiers d’Art en armurerie. Récemment promue Chevalier de l’Ordre National du Mérite, elle honore sa profession.

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