La micro-trouée forestière, gîte et couvert

Marqué dans mes années étudiantes par une certaine philosophie sylvicole, il est toujours intéressant de mettre en application la théorie et d’observer. En l’occurrence, celle d’utiliser le plus simplement possible les forces productives de la nature.
PARTISAN DU MOINDRE EFFORT
Les peuplements forestiers ne sont pas toujours accueillants pour la faune sauvage de la même manière tout au long de leur croissance. Parfois, il est nécessaire de mettre la main à la pâte pour retrouver de quoi abriter nos grands gibiers. C’est le cas dans les futaies régulières, résineuses ou feuillues, lorsque le couvert est fermé et la lumière mimine au sol, avec pour conséquence l’absence de végétation en sous-étage.

Crédit photo : Gilles DE VALICOURT.
Plutôt que rajouter ce qui semble manquer – de la végétation au sol- par de la plantation, réfléchissons plutôt aux causes de son absence et agissons dessus. Les arbres et arbustes ont besoin pour leur croissance d’un support, d’eau et d’éléments minéraux contenus dans le premier, et de lumière. Il est difficile d’agir sur le sol, mais beaucoup moins sur la lumière. Ramenez le soleil jusqu’au sol, éclairant les graines et semis naturels, les marcottes* de ronce, lierre et chèvrefeuille. Comme une génération spontanée, vous verrez la flore exploser. Tout simplement : rapporter tous les ingrédients de la photosynthèse, et – on y vient – laisser faire les forces productives de la nature.

JOUER DE LA TRONÇONNEUSE
L’idéal est de trouver une ébauche de trou, créée par un manque dans le peuplement, un chablis**, et l’agrandir. Ou alors dénicher une essence peu courante ayant un intérêt à être dégagée (pommier sauvage, poirier sauvage, châtaignier…) afin d’améliorer la fructification forestière et la biodiversité.


Ensuite, abattre un ou deux arbres, de l’étage dominant impérativement, de préférence au Sud de la zone que l’on souhaite mettre en valeur, pour apporter le maximum de soleil. La coupe rase n’est pas obligatoire ; on peut tout à fait garder un arbre et abattre autour de lui. Deux ou trois ares suffisent.
Ne débitez pas les arbres coupés. Leurs branches serviront de support aux jeunes pousses de ronces, et permettront d’obtenir un couvert dense, aéré et suffisamment haut plus rapidement.

DOUBLE AVANTAGE
En améliorant ainsi les conditions de photosynthèse au sol, on recrée une végétation naturelle adaptée à la station, car issue de semis, de marcottes d’essences proches. Genet, ajoncs, ronces, bruyère à balai et autres se développent vitesse grand V, dans des conditions optimales ; cette ambiance forestière est lumineuse, mais abritée des aléas (vent, gel…). La croissance rapide stimule l’appétit des cervidés, attirés par la multitude de jeunes pousses tendres et riches. Au couvert réhabilité se rajoute l’apport alimentaire.


De l’observation, un peu de bon sens forestier et quelques minutes de tronçonneuses suffisent pour créer des remises disséminées et accueillantes en deux ou trois ans. Que la lumière soit !

* Marcotte : partie de plante, tige ou branche, en contact avec le sol, qui prend racine et peut être séparé ensuite du pied-mère.
* Chablis : arbre déraciné par le vent.