Anaïs PORTIER, la passion des cuirs
Le talent n’attend pas le nombre des années, dit l’adage populaire. Anaïs PORTIER, 26 ans, créatrice-maroquinière française, en est l’exemple accompli. AIR & NATURE a pu la rencontrer dans son atelier, où elle façonne des pièces uniques dans la grande tradition de la maroquinerie française.
Si l’atelier d’Anaïs PORTIER est à Saumur, ce n’est pas un hasard. C’est ici le berceau de son enfance, cette période de la vie où les goûts se forment et les passions se dévoilent. « Tout est joué avant que nous ayons douze ans », disait PÉGUY. Avec un père moniteur d’équitation et maître d’équipage, Anaïs ne pouvait être qu’à bonne école.
UN APPRENTISSAGE PRÉCOCE
Rapidement, c’est la passion du cuir, point de jonction naturel entre ses deux univers, qui s’est fait la plus forte. « Je suis manuelle, explique-t-elle, et le cuir est une matière qui m’a toujours fascinée. Le toucher, l’odeur… C’est un enchantement pour les sens ». À tel point qu’à quinze ans, forte de ses convictions, elle décide de rentrer en apprentissage chez BUTET, sellier saumurois de renommée internationale.
L’AVENTURE ANGLAISE
Trois années de cursus qui vont lui permettre de découvrir et d’apprendre l’art de la sellerie. À dix-huit ans, Anaïs décide de partir en Angleterre dans une grande maison de maroquinerie et textile spécialisée dans l’équipement pour les courses hippiques et la chasse.
HUIT ANS DANS LA SELLERIE
Après cette expérience, elle décide de revenir en France, et travaille chez un sellier spécialisé dans le dressage. Elle y restera trois ans. Mais, déjà, à son retour d’Angleterre, elle sentait qu’elle voulait voler de ses propres ailes. « Je ne voulais pas me limiter au monde de la sellerie, j’avais envie de nouveaux challenges, de travailler de nouvelles matières… ». C’est ainsi qu’après ces huit années dans la sellerie, Anaïs va explorer d’autres facettes de la maroquinerie.
UN GOÛT POUR l’EXOTISME
À commencer par travailler des cuirs qui sortent de l’ordinaire, les cuirs exotiques, « Ce sont des peaux d’animaux qui nous invitent au voyage. Elles sont parfois pleines d’aspérités, elles ont leur propre histoire, leur vécu ». Mais, comment se former au travail de ces cuirs, bien différents des cuirs dits classiques ? Prenons par exemple le galuchat, qui est du cuir de raie (donnant un rendu magnifique) mais d’une incroyable dureté, ce qui fait que beaucoup d’artisans cassent leurs aiguilles en travaillant cette peau. « Sur le tas. J’ai tout appris sur le tas. En faisant, et défaisant », nous confie-t-elle.
TOUS LES ANIMAUX DU MONDE
Aujourd’hui, Anaïs travaille l’autruche, l’éléphant, l’hippopotame, le crocodile, l’alligator, le requin, le galuchat, l’anguille, le python, la patte de coq… sans oublier les traditionnels cuirs de veau, d’agneau, de chevreau et de buffle. Un bestiaire impressionnant.
À SON COMPTE
Cette opiniâtreté, cette volonté et ce travail exigeant, elle va les mettre au service des chasseurs à tir et des veneurs, milieu qu’elle connaît très bien et dont elle connaît les problèmes d’équipement, « Je voyais très bien ce dont ils avaient besoin ». Cette compréhension du client va lui donner confiance pour, finalement, il y a un an, franchir le pas et s’installer à son propre compte. Une décision loin d’être facile, dans le contexte sanitaire que l’on a connu, et toutes les conséquences difficiles pesant sur le commerce.
SUR MESURE
Mais, la jeunesse aime l’audace, et de l’audace, Anaïs PORTIER en a. Elle commence à exposer sur les salons (notamment au Salon de la Chasse et de la Nature de Mantes-la-Jolie), se fait connaître sur les réseaux sociaux, et rapidement on lui fait confiance. Sa spécialité est le sur mesure. Quelques pièces de séries pour exposer, et montrer l’étendue de ses créations, mais 80 % de celles-ci sont du sur mesure.
LA RENCONTRE DU CLIENT
Chez elle, tout part d’une rencontre : « Je peux travailler à distance, si on part d’une base existante… Mais je préfère vraiment rencontrer les gens pour les connaître, voir comment ils s’habillent, ce qu’ils aiment ». Cela implique des déplacements, des rencontres, des dessins, parfois même des visites en tanneries pour sélectionner les cuirs… Bref, tout un cheminement artisanal où le client n’est plus un simple client mais un véritable complice. « Quand la facture arrive, ils me disent que je ne suis pas assez cher », remarque-t-elle, signe d’une démarche artisanale de très haute qualité.
RIEN D’IMPOSSIBLE
Sa soif de défis la conduit à toujours vouloir repousser les limites : « Je pars du principe qu’il n’y a rien d’impossible, il faut toujours essayer ». La preuve en est, c’est un des seuls artisans au monde, avec un artisan allemand, à travailler le dos de crocodile, partie de la bête considérée comme extrêmement rigide, donc impossible à travailler. Il faut croire qu’impossible n’est pas Anaïs PORTIER. Ses ceintures en dos de crocodile sont époustouflantes : une peau très brute, alliée à de très belles finitions.
LE CHAMPS DES POSSIBLES
Aujourd’hui, son carnet de commandes est bien rempli. Avec un tel éventail de possibilités, comment ne le serait-il pas ? Cartable professionnel, portefeuille, étui à lunettes, coupe-cigare, poche de battue, collier pour chien, fourreau pour fusil, ceinture, porte bouteilles…
L’IMAGINATION POUR SEULE LIMITE
Tout est possible. On serait presque tenté de dire que sa seule limite, c’est notre imagination. Et tant mieux, cela veut dire que l’artisanat français, mélange détonnant d’exigence et de créativité, a de beaux jours devant lui.
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Site web : anaisportier.fr
